La phraséologie dans l’étude du français langue maternelle : des faits de langue d’Hippolyte-Auguste Dupont aux faits d’expression de Charles Bally
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Ma Isabel González-Rey
Abstract
The Phraséologie française élémentaire ou Nouveaux exercices de grammaire by Hippolyte-Auguste Dupont (1833) is, to our knowledge, the only work to use the word phraseology as a synonym for “Grammar of the French language”. It represents an exception not only to the school grammars of the nineteenth century, the century of schooling in France and school grammars, but also to the phraseological precepts of Charles Bally (1909). The analysis of this work, intended for the teaching of French as a mother tongue, will allow us to highlight two innovative aspects for the time: on the one hand, a very particular meaning of the word phraseology, namely that of the study of language through ordinary syntactic sentences, and, on the other hand, the place reserved for gallicisms, considered as “particular idioms” contrary to the general rules of grammar. The study of the opposition between these two groups of constructions in both Dupont’s and Bally’s work will lead us to contrast the facts of language in the former with the facts of expression in the latter.
1 Introduction
Une petite grammaire scolaire du XIXe siècle, intitulée Phraséologie française élémentaire ou Nouveaux exercices de grammaire, d’Hippolyte-Auguste Dupont (1833), représente toute une « trouvaille » pour d’éventuelles études sur l’histogramme diachronique du mot phraséologie. En effet, si nous devions faire ici le diagnostic des sens que ce terme a pu avoir avant de désigner la discipline qui s’occupe aujourd’hui des unités phraséologiques de la langue, nous serions surpris de constater le sens que cet ouvrage lui attribue, un sens plutôt lié aux faits de langue agencés selon les règles ordinaires de la grammaire.
En effet, l’analyse de l’œuvre de Dupont va nous permettre d’observer, d’une part, les liens existant entre l’interprétation littérale du mot phraséologie et son emploi mis au service de l’enseignement du français langue maternelle, et d’autre part, les rapports qu’il entretient avec un type spécial de phrases, les « locutions particulières », traitées dans cet ouvrage dans un groupe à part nommé gallicismes, rebelle à toute analyse grammaticale. La présence de ce groupe va être déterminante pour pouvoir bien définir le sens donné ici au terme phraséologie, un sens qui s’inscrit pour Dupont dans la norme et non pas dans l’usage. Car, si les gallicismes (ou idiotismes de la langue française) font figure d’exception dans l’ouvrage de Dupont, la phraséologie y fait, par contre, fonction de paradigme syntaxique à suivre.
Cela dit, le caractère singulier du mot phraséologie comme domaine des faits de langue dans Dupont prend davantage d’importance si nous le comparons aux préceptes phraséologiques de Charles Bally, tels que conçus dans son Traité de Stylistique Française (vol. I et II, 1909). En effet, le sens spécialisé que prend le terme phraséologie à partir de la stylistique de Bally, dont les éléments sont considérés comme des faits d’expression, va s’opposer d’autant plus au sens large que lui attribue Dupont que cette différence va répercuter également sur la conception que tous deux ont des gallicismes.
C’est donc l’emploi des notions que fait Dupont dans son ouvrage, relatives à la phraséologie, en général, et aux gallicismes, en particulier, que nous allons traiter dans un premier temps, en tenant compte d’abord des circonstances qui le conditionnent à l’époque. Nous comparerons ensuite l’interprétation de ces concepts avec ceux de Bally, non pas dans l’intention de les contraster à la lumière d’une linguistique qui a forcément évolué d’un siècle à l’autre, mais dans le seul but de mettre en valeur un ouvrage tout à fait unique dans l’emploi fait du mot phraséologie, avant Dupont et même après. Cet emploi nous met au défi et nous pousse à réviser nos acquis sur la valeur sémantique du mot phraséologie au niveau non seulement des éléments qui forment ce composé, mais aussi de la fonction qu’il peut avoir dans un outil destiné à l’étude d’une langue, en l’occurrence le français langue maternelle.
2 Phraséologie et scolarisation au XIXe siècle
Comme on le sait bien, le sens du mot phraséologie relève de la somme des deux éléments qui en composent l’étymon, un composé du grec moderne φρασεολογία, formé par [φράσις] (« diction, élocution ») et [λογία] (« étude, traité »). D’où les possibles interprétations que nous offre le Trésor de la Langue Française informatisé (dorénavant le TLFi) pour l’article phraséologie,[1] comme « ensemble de tournures typiques de la langue » ou encore « recueil de phrases fait pour l’enseignement des langues », entre autres.[2] Or le sens du mot dépend, en fait, de l’époque et du domaine auxquels se rattache son emploi. C’est le cas de l’ouvrage Phraséologie française élémentaire ou Nouveaux exercices de grammaire[3], d’H.-A. Dupont,[4] dans lequel le terme ne prendra tout son sens que si nous tenons compte de l’époque où il est utilisé. En effet, la date de publication étant 1833, il convient de prendre en compte certains aspects externes reliés à cette période de temps, tels que la loi Guizot et l’intérêt de l’époque pour la norme. C’est pourquoi, avant d’analyser le contenu de ce volume en vue de déterminer le sens que l’auteur donne au mot phraséologie, nous allons examiner les circonstances qui concourent à son emploi.
2.1 La loi Guizot
Le XIXe siècle est le siècle des grammaires scolaires, par excellence, en France. La loi Guizot, adoptée sous le règne de Louis-Philippe en 1833, marque l’avènement de la scolarisation. Cette loi signale dans son Article premier que : « L’instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures », dans cet ordre. On devait donc apprendre d’abord à lire, puis à écrire et ensuite à connaître les éléments de la langue française, c’est-à-dire la grammaire. À partir de là, l’intérêt pour la norme[5] et la mise en place de la scolarisation dans toute la France donneront lieu à une effervescence grammaticale qui provoquera pendant tout le siècle une profusion de grammaires et de différents outils d’apprentissage de la langue qui vont inonder le marché.[6]
Cela dit, les résultats de l’application de la loi Guizot ne sont pas très satisfaisants en ce qui concerne la grammaire. En effet, selon le rapport Lorain[7], « les instituteurs ont une peine infinie à introduire la grammaire française dans le programme des études » (Lorain 1837 : 375), « les parents s’y opposent ; ils n’en veulent pas faire la dépense » parce qu’« elle […] casse la tête [aux enfants] » (Lorain 1837 : 374) ; « les cours de grammaire et d’orthographe sont presque des exceptions, tant le nombre des élèves qui les suivent est restreint (3 ou 4 sur 40) » (Lorain 1837 : 375).
Il n’est donc pas étonnant de voir émerger des initiatives telles que l’ouvrage de Dupont pour faire face à cette situation et se distinguer des autres grammaires scolaires, bien plus connues et réputées à l’époque. Son volume constitue la deuxième partie du livre Méthode pour mettre la Grammaire à la portée de l’enfance, destinée à offrir, avec la première partie[8], un cours complet pour l’enseignement de la langue française aux petits Français. Son auteur situe cette deuxième partie, intitulée Phraséologie française élémentaire ou Nouveaux exercices de grammaire, dans la catégorie des cours pratiques pour la maîtrise de la langue normée, en complément à la première, plus théorique, qui traite des notions relatives à la grammaire, en général, et aux parties du discours, en particulier.
Toutefois, pour bien comprendre la portée de cette œuvre et pour pouvoir la situer par rapport au sens donné au terme phraséologie en lien avec la pratique de la langue à travers les phrases ordinaires formées selon les règles de grammaire, il nous faut revenir sur les notions de phrase et de grammaire à l’époque de Dupont.
2.2 La notion de phrase dans le mot phraséologie
La notion de phrase, en tant qu’élément présent dans le mot phraséologie, va jouer un rôle décisif dans le sens que va prendre ce terme dans l’œuvre de Dupont. Ainsi, il convient de commencer par la précision que nous trouvons dans le TLFi à propos du mot phrase, à savoir que le seul sens que ce terme ait eu jusqu’au XVIIIe siècle a été celui de « Tout assemblage de mots : expression, locution, tour figé ou non ».[9] Autrement dit, à cette époque-là, est une phrase tout ce qui n’est pas un mot, sans qu’il importe que ses éléments forment un ensemble libre ou figé. Dans ce sens, le terme n’a pas encore la dimension grammaticale que nous lui connaissons aujourd’hui.[10]
En fait, le mot phrase n’apparaîtra explicitement dans les grammaires françaises comme unité supérieure de l’analyse grammaticale qu’au XIXe siècle. Les ancêtres de ces grammaires, datant du XVIe, adoptent généralement le modèle des grammaires latines pour décrire la langue et gardent encore la conception de la phrăsis comme « discours » et de ses éléments comme « parties du discours ».[11] Ce n’est qu’avec la grammaire de Port-Royal (Arnauld et Lancelot 1997 [1660]) que s’amorcera au XVIIe siècle un tournant, en introduisant l’analyse logique de ces parties dans la réflexion grammaticale. Ces deux auteurs y parviennent en ayant recours à des concepts philosophiques et en posant comme postulat d’analyse linguistique trois types d’opérations de l’esprit, à savoir le fait de concevoir, le fait de juger et le fait de raisonner. De ces trois opérations, l’opération primordiale est celle de juger et sa réalisation linguistique est dénommée proposition. Comme ils l’indiquent dans leur grammaire :
Le jugement que nous faisons des choses, comme quand je dis, la terre est ronde, s’appelle proposition ; et ainsi toute proposition enferme nécessairement deux termes ; l’un appelé sujet, qui est ce dont on affirme, comme terre ; et l’autre appelé attribut, qui est ce qu’on affirme, comme ronde ; et de plus la liaison entre ces deux termes, est. » (Arnauld et Lancelot 1997 [1660] : 24)
C’est donc sous la dénomination de proposition qu’apparaît le concept grammatical d’énoncé complet, composé, à l’époque, d’un sujet, d’un verbe copulatif et d’un attribut. En fait, le mot phrase fera son apparition dans les grammaires du XVIIIe siècle comme synonyme de proposition, comme nous pouvons le constater dans cette citation de Restaut (1730):
Demande. De quoi se sert-on pour exprimer ce que l’on affirme du sujet ?
Réponse. On se sert du verbe, comme nous l’avons déjà dit.
Demande. Comment appelle-t-on une suite de mots qui contient un sujet, et ce que l’on en affirme ?
Réponse. On l’appelle une proposition ou une phrase. (Restaut 1730: 128)[12]
Dans ce temps-là, la conception de cette unité est encore placée sous la réflexion philosophique de l’acte de juger.[13] Ce n’est qu’au XIXe siècle que la phrase est présentée selon une perspective strictement grammaticale. Le mot se distinguera finalement de celui de proposition dans les grammaires scolaires de ce siècle, la proposition étant liée à l’existence d’un verbe conjugué et la phrase se divisant en simple ou complexe selon le nombre de propositions incluses. Le terme phrase finit donc par s’imposer et par se rapporter exclusivement à la syntaxe, comme « manière d’assembler les mots en phrases » (Brachet et Dussouchet 1883 : 215), et constitue le pilier de la langue normée en tant qu’unité supérieure de l’analyse grammaticale.[14] À partir de cet instant, l’analyse grammaticale, ou formelle, qui s’affirme avec l’apparition des grammaires scolaires, s’opposera à l’analyse logique, ou sémantique, issue de la grammaire générale du XVIIe siècle. Les deux modèles cohabiteront dans la première moitié du XIXe siècle, notamment dans la première grammaire scolaire repérée comme telle par Chervel (1977), à savoir la Nouvelle grammaire française (1823), de Noël et Chapsal, qui reprennent ce que Beauzée (1767) avait avancé au siècle précédent. En effet, celui-ci avait posé qu’une proposition se décompose, du point de vue logique, en trois parties (sujet, verbe et attribut), les notions logiques de jugement, d’affirmation et de qualité intervenant dans cette division ; et, du point de vue grammatical, en autant de parties qu’il y a de mots, donnant lors de l’analyse grammaticale la nature et la fonction de chacun des mots en question.
C’est donc de tous ces aspects externes qu’il faudra tenir compte pour comprendre la portée du mot phraséologie et son rattachement à la grammaire dans l’œuvre de Dupont. En effet, ils auront leurs effets non seulement sur la terminologie utilisée par l’auteur, mais aussi sur la structure de son ouvrage et sur sa démarche pédagogique.
3 La Phraséologie Française d’Hippolyte-Auguste Dupont
L’œuvre de Dupont constitue le premier témoignage que nous ayons d’une phraséologie associée au système de la langue, considérée comme la norme à suivre pour bien parler et pour bien écrire. Conçue pour l’enseignement du français comme langue maternelle, elle s’inscrit dans un siècle lié au développement de la pratique de l’analyse de la langue en contexte scolaire, organisée sur deux plans : le plan logique et le plan grammatical. Pour montrer que cet ouvrage constitue une œuvre de transition dans le passage de l’analyse logique à l’analyse grammaticale, nous allons procéder à l’étude de la terminologie employée par l’auteur pour décrire la phrase comme unité supérieure, au moyen de l’analyse de la matière linguistique, de l’organisation de l’ouvrage et de la démarche pédagogique qui y est priorisée.
3.1 La terminologie grammaticale dans l’ouvrage de Dupont
Ainsi, Dupont utilise dans son volume les termes de « phrase » et de « proposition » d’une façon synonymique, dans le sillage des grammaires du XVIIIe siècle, mais suivant le modèle de l’analyse logique de Port-Royal. En effet, nous pouvons lire, d’une part, au tout début de l’ouvrage dans le chapitre Notions préliminaires aux maîtres, cette affirmation : « La pensée exprimée par des paroles est ce qu’on nomme proposition en grammaire, et phrase dans le langage ordinaire. Ex. : Dieu est bon. » (1856: 5). L’emploi isomorphe de ces deux termes montre bien que Dupont aligne sa terminologie sur celle de grammairiens tels que Restaut, sans autre distinction qu’une question de registre de langue. D’autre part, nous trouvons plus loin cette définition : « Une phrase est un assemblage de mots formant un sens complet, c’est-à-dire, exprimant une pensée entière » (1856: 90). Le lien établi ici par l’auteur entre la pensée et la phrase est d’importance, car pour lui, même si les phrases transmettent, à travers les mots, les idées simples ou complexes que possède un individu, celui-ci n’est pas encore en mesure de bien s’exprimer : « avoir dans l’esprit des idées simples ou complexes n’est pas encore penser ; de même qu’exprimer ces idées par des mots n’est pas encore parler » (1856 : 2). Le fait de penser, différent de celui d’avoir des idées, est fondé sur un besoin, celui de « juger de ce que sont ou ce que font les êtres : en un mot, de connaître les faits des êtres » (1856 : 2). Cette capacité de penser, et donc de juger, permet d’arranger les mots à l’intérieur des phrases selon le rapport que l’esprit a saisi entre deux ou plusieurs idées. Or, à ces deux facultés qu’a l’individu, celle d’avoir des idées et celle de penser, s’ajoute une troisième, celle de raisonner, ce qui permet d’enchainer des phrases, ou propositions, selon un ordre logique. Cette argumentation rappelle, bien sûr, les trois opérations de l’esprit sur lesquelles la grammaire de Port-Royal a bâti l’analyse logique des éléments dans la réflexion grammaticale et selon laquelle toute proposition est l’énonciation d’un jugement.
3.2 L’organisation de l’ouvrage de Dupont
L’organisation du volume de Dupont suit une structure fondée non pas sur les parties du discours mais sur la nature et la fonction des éléments qui forment les propositions ou phrases. En effet, divisé en trois sections, l’ouvrage est composé des parties suivantes : 1) Étude de la proposition simple : les différents éléments : sujet, verbe, compléments. L’ordre des mots ; 2) Étude de la phrase : la phrase simple et la phrase complexe ; 3) Syntaxe des mots : les différentes catégories : le nom, l’article, l’adverbe, le verbe, etc. Cette organisation constitue un aspect original par rapport aux grammaires majeures de référence de l’époque[15] qui continuent d’aborder essentiellement les parties du discours, surtout d’un point de vue normatif, telles que le substantif, l’adjectif, l’adverbe, etc. Dans ce cas-ci, la progression dans l’œuvre de Dupont, au lieu de suivre un mouvement allant du simple au complexe, c’est-à-dire du mot à la phrase simple puis complexe, procède à l’inverse, comme l’indique l’ordre des trois sections signalées plus haut.
Par ailleurs, bien que l’œuvre de Dupont se situe expressément du côté de l’analyse logique, elle représente un amalgame préliminaire des deux plans : l’analyse logique et l’analyse grammaticale. Ainsi, à propos de l’analyse de la phrase « Dieu est bon », l’auteur affirme : « Reconnaître et indiquer successivement dans l’ordre de la pensée les termes d’une proposition, c’est faire l’analyse logique de cette proposition » (1856 : 8). Toutefois, dans la décomposition de la phrase, il offre une analyse grammaticale de chacun de ses éléments lorsqu’il explique la nature des mots qui peuvent remplir la fonction de sujet ou d’attribut. Seul le verbe est expliqué en raison de son rôle de liaison entre deux idées isolées pour rendre l’expression d’une pensée. Ceci montre que les principes de l’analyse grammaticale commencent à pénétrer même dans les grammaires scolaires qui se déclarent du côté de l’analyse logique. Sans donc l’exprimer ouvertement, l’auteur établit un pont entre l’analyse logique et l’analyse grammaticale en faisant correspondre aux idées, aux pensées et aux raisonnements les mots simples ou complexes, les phrases et les unités transphrastiques, respectivement.
Cela dit, il convient maintenant de connaître la place et la fonction que joue le mot phraséologie dans ce contexte.
3.3 Les emplois du mot phraséologie dans l’ouvrage de Dupont
Pour savoir quelle est la fonction que Dupont réserve à la phraséologie, il nous faut, d’abord, repérer les endroits où figure le mot dans son volume. Ainsi, il est curieux d’observer que le mot phraséologie, placé en tête de la première partie du titre (Phraséologie française élémentaire), est suivi d’un syntagme qui alterne avec lui dans une deuxième partie du titre (ou Nouveaux exercices de grammaire). Il est évident que pour l’auteur le terme renvoie à trois réalités dans l’enseignement du français comme langue maternelle:
La phraséologie y est abordée dans une visée pratique, c’est-à-dire qu’elle est reliée à l’entrainement à la langue « française » au moyen d’« exercices » ;
La phraséologie est représentative des règles ordinaires de la langue, c’est pourquoi cette partie pratique, ou exercices, est faite pour s’entrainer à la maîtrise de la « grammaire » ;
La phraséologie est une méthode nouvelle d’enseignement (présentée ainsi grâce au terme « nouveaux exercices »), valable dès un niveau précoce d’apprentissage (« élémentaire »).
Cela dit, le mot phraséologie ne revient à l’intérieur de l’ouvrage que dans les intitulés des chapitres consacrés aux questionnaires de chaque partie. En effet, sous le titre de « Questions sur la 1e (2e/3e) partie de la phraséologie », un questionnaire clôt chacune des parties à fin de permettre aux élèves de réviser la matière. Le choix de ce terme de la part de l’auteur[16] est d’autant plus surprenant qu’il est tombé en disgrâce dans l’usage courant depuis le dernier tiers du siècle précédent, dans le sens péjoratif de « discours creux et pompeux » (Bárdosi, 1990 : 62).[17] Ceci montre l’envergure du défi de Dupont qui, sans consacrer le moindre paragraphe à la définition de ce terme dans son ouvrage, prétend qu’il soit accepté de tout le monde à son époque dans le sens grammatical qu’il lui donne, c’est-à-dire en tant que nom recouvrant toute la matière linguistique à enseigner. En outre, cette façon de désigner toutes les parties de son ouvrage sous la même dénomination, indépendamment de leur contenu, nous amène à croire que l’auteur appelle phraséologie non pas un type d’éléments déterminé, mais plutôt une démarche pédagogique, comme nous allons le voir dans ce qui suit.
3.4 La fonction de la phraséologie dans l’ouvrage de Dupont
Une analyse plus détaillée du volume de Dupont nous permet de mettre en lumière les rapports entre la phraséologie et l’apprentissage du français langue maternelle, tel que l’auteur le conçoit. Cette analyse nous montre qu’il suit une démarche d’enseignement particulière.
Ainsi, dans chacune des trois parties, chaque élément à apprendre est d’abord explicité par l’auteur (1er pas), suivi d’exemples regroupés sous l’intitulé FAITS (2e pas), auxquels succèdent des exercices oraux (3e pas). Ces exercices démarrent sur l’analyse logique du 1er exemple en tant que modèle à appliquer par les élèves sur le reste des exemples suivants. Finalement, l’entrainement finit par des devoirs écrits (4e pas) durant lesquels les élèves doivent composer des propositions, ou phrases, analogues à celles des FAITS. Cette procédure est fondée sur le principe de la démonstration, qui consiste en « une série de raisonnements s’enchaînant les uns aux autres, de manière à rendre évidente une pensée, une vérité qui ne l’était pas par elle-même » (1856 : 4). L’importance donnée au raisonnement, cette opération de l’esprit nécessaire pour Dupont à l’analyse de la phrase, met en évidence la conception de la phraséologie comme une approche pratique des mécanismes de formation régulière de la langue. Il donne toute la priorité aux FAITS pour illustrer ces mécanismes ordinaires et entrainer les élèves à les analyser et à s’en servir comme modèles pour l’élaboration de leurs propres phrases ou propositions.
Cette démarche, composée des quatre pas signalés ci-dessus, à savoir la définition et l’explicitation de l’élément grammatical à apprendre, les FAITS ou phrases servant d’exemples illustratifs, l’entrainement oral à l’analyse logique et la série d’exercices visant la production écrite de phrases syntaxiquement correctes, lutte contre une étude passive et automatique des faits de langue (ou de langage[18]). En fait, tandis qu’elle explicite la norme et qu’elle l’illustre par des faits de langue, elle induit le raisonnement des élèves.[19] Or ce raisonnement est mis à leur portée au moyen de phrases qui n’appartiennent pas à la littérature, mais à la langue courante ; elles sont conçues par l’auteur pour illustrer la partie d’explicitation de la norme et celle d’entrainement oral. Il les nomme FAITS pour les distinguer des propositions, ou phrases, que devront concevoir les élèves.
La nature de ces FAITS est très variée, mais elle répond fondamentalement à des connaissances générales sur l’homme et le monde. Voici, en exemple, les phrases qui figurent dans la première partie, liée à l’« Étude de la proposition simple », à propos du complément direct simple (1856 : 14), après l’explicitation de l’élément grammatical définie en ces termes :
Le complément direct est simple, s’il ne se compose que d’un nom propre, d’un pronom, ou d’un nom commun seulement déterminé » : « FAITS : Notre célèbre Pascal inventa la brouette. La peine surmontée augmente le plaisir. L’homme le plus instruit ignore beaucoup de choses. La présence du maître engraisse le cheval. Les Russes distillent beaucoup de grains. Le climat du Caire subit peu de variations. Les douleurs et la mort suivent l’intempérance. Les îles du Japon nourrissent peu de quadrupèdes. Les vernis de la Chine ont beaucoup de réputation […].
La partie d’exercices qui suit l’explicitation de la norme et l’accompagnement des FAITS comprend deux étapes. La première, orale, consiste à faire l’analyse logique de ces FAITS en suivant le modèle d’analyse appliqué à la première phrase-exemple :
Notre célèbre Pascal inventa la brouette. Notre célèbre Pascal, sujet complexe : inventa, verbe actif ou transitif ; la brouette : complément direct simple.
La deuxième, écrite, demande aux élèves d’élaborer leurs propres phrases ou propositions à partir des exemples antérieurs dans les termes suivants :
Employez les noms ci-après comme compléments directs simples : montre, panier, lettre, Autriche, poulet, lunettes, canapé, soldat, Turc, histoire, tasse, bûcheron.
À la vue de tous ces éléments, il est évident que le mot phraséologie prend dans l’ouvrage de Dupont un sens large, représentant à lui seul tout le système de la langue. Pris dans ce sens, la phraséologie française de cet auteur renvoie à l’étude de la langue maternelle dans son entièreté dans le but de faire apprendre aux petits Français « à parler et à écrire correctement », comme nous le rappelle Auburtin, dans sa préface à l’édition posthume dont nous nous servons ici. Or il en est d’autant plus ainsi que l’auteur consacre un sous-chapitre aux gallicismes dans la deuxième partie de son ouvrage, dédiée à l’Étude de la phrase, et qu’il définit comme des « locutions particulières » à la langue française échappant à toute analyse logique. En s’opposant aux phrases ordinaires et analysables, la présence dans ce volume de ce groupe de phrases « rebelles » va corroborer le sens générique et « normé » donné au mot phraséologie.
4 Phraséologie vs. idiotismes
La notion d’idiotismes est recueillie dans le Dictionnaire de l’Académie française dès la fin du XVIIe siècle et sa définition va évoluer au fil du temps sous l’impulsion de tout un débat sur l’attention et le traitement que ces éléments doivent recevoir de la part des grammairiens. L’ouvrage de Dupont va réussir à mettre en avant la différence qu’il y au XIXe siècle entre ces phrases propres à une langue et la phraséologie. Il montrera par ce moyen que celle-ci n’est pas encore près de signifier ce qu’elle signifie aujourd’hui.
4.1 Définition et défense des idiotismes
Emprunté d’abord au grec idiôtismos « langage courant ou vulgaire », puis au latin idiotismus « expression propre à une langue », le terme idiotisme désigne aujourd’hui en français une « construction qui apparaît propre à une langue donnée et qui ne possède aucun correspondant syntaxique dans une autre langue »[20]. Or ce terme, déjà présent dans la première édition (1694) du Dictionnaire de l’Académie française (DAF) sous cette définition,
idiotisme. s.m. Proprieté, maniere de parler, qui a quelque chose d’irregulier, mais qui est particuliere à une Langue. Cette particule mise de telle façon, cette construction, ce pleonasme est un idiotisme de la Langue Françoise, de la Langue Latine. chaque Langue a ses idiotismes. Il n’est en usage que parmy les gens de lettres.[21]
évoluera dans la 5e édition (1798) comme indiqué ci-après :
idiotisme. s.m. Construction et tour d’expression, contraire aux règles ordinaires de la Grammaire, mais propre et particulier à une Langue. Cette particule mise de telle façon, cette construction, ce pléonasme est un idiotisme de la Langue Françoise. Chaque Langue a ses idiotismes. Ce mot n’est guère en usage que dans le didactique.
Nous pouvons donc constater que ce qui caractérise tout d’abord les idiotismes au tout début, c’est, d’une part, cet aspect contraire (ou « rebelle », comme l’indique Dupré[22]) aux règles de formation d’une langue, et d’autre part, cette appartenance, malgré tout, à cette langue. Ce dernier élément va servir à justifier leur présence « légitime » dans chaque langue, et chacune d’entre elles aura ainsi la possibilité de les nommer à sa guise à l’intérieur de sa propre langue : gallicismes, hispanismes, anglicismes, etc. Ainsi trouvons-nous pour gallicisme la définition suivante dans le Dictionnaire de l’Académie française dans sa 5e édition (1798)[23] :
gallicisme. s.m. Construction propre et particulière à la Langue Françoise, contraire aux règles ordinaires de la Grammaire, mais autorisée par l’usage. Les bonnes gens sont aisés à tromper, Il vient de mourir, Il va venir, Si j’étois que de vous, etc. sont des Gallicismes.
À la vue de ces définitions, la présence de ces idiotismes ou gallicismes dans les grammaires françaises destinées à l’enseignement du français langue maternelle pendant les XVIIIe et XIXe siècles n’est donc pas surprenante. En effet, les auteurs des grammaires de la langue normée sont bien d’accord pour les juger comme des écarts par rapport à la norme, mais depuis la défense qu’en a fait Beauzée dans les articles dédiés aux termes gallicisme et idiotisme dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (Beauzée 1757 : 450 et 1765 : 497, respectivement), elles ont « droit de cité dans la langue » (Bárdosi, 1990: 75)[24], et de ce fait, droit de cité, aussi, dans les grammaires.
Toutefois, leur présence est extrêmement variée. Elle y est signalée de différentes manières, mais aucune au moyen du terme phraséologie. Les dénominations les plus usitées pour indiquer l’existence de ces éléments particuliers sont celles de idiotismes, de gallicismes et parfois même de barbarismes[25] lorsque l’auteur décide de les considérer comme tels. La façon dont elles apparaissent dans ces ouvrages a été analysée par Jacqueline Lillo (1994) pour la période comprise entre 1625 et 1860,[26] lorsqu’ils sont destinés à l’enseignement du français comme langue étrangère. Elle indique le fait que la plupart d’entre eux ne traitent pas ces éléments dans une section à part mais les disséminent dans d’autres parties telles que la morphologie, la syntaxe ou le lexique. Elle propose d’appeler l’ensemble de ces éléments ainsi traités « phraséologie périphérique » et elle signale parmi les auteurs français de grammaires françaises qui procèdent de la sorte « Munier, Duc, Baudisson, Sacy, Lévizac, Lefranc, de Wailly, Lhomond, Noël et Chapsal, Boudet de Montesquieu, Guéroult, Chollet, Javal, Collombet » qui « ne proposent aucune section réservée à la phraséologie et ont une phraséologie périphérique (pour ce qui concerne les locutions adverbiales, prépositives, conjonctives, etc.) des plus réduites » (1994 : 71). Outre cela, elle remarque que « au XIXe siècle, chez ces auteurs, on a souvent des listes de barbarismes, agencés sur deux colonnes (« Dites »/« Ne dites pas »), qui sont explicables par l’analphabétisme de la France d’alors » (1994 : 71). Mais ceci nous indique aussi que ces auteurs ne considèrent pas la « phraséologie périphérique » comme des barbarismes, puisqu’ils l’introduisent dans leur grammaire comme des éléments à apprendre, sans pour autant les traiter dans une section à part. En fait, l’acceptation du gallicisme comme un écart propre à la langue française mais « qui en françois est à sa place » (De Beauzée 1757 : 450) montre bien qu’il existe une considération intralinguistique de la phraséologie, comme l’indique aussi l’ouvrage de Dupont.
4.2 Les idiotismes dans l’ouvrage d’Hippolyte-Auguste Dupont
Encore une fois, l’ouvrage de Dupont surprend par son côté innovateur par rapport au reste des grammaires scolaires de son siècle à propos de la place qu’il y réserve aux idiotismes/gallicismes. Non seulement il leur consacre un chapitre à part, précisément pour ne pas les disséminer dans d’autres sections et ne pas les faire confondre avec les phrases correctes de la langue française, mais il les considère aussi comme faisant partie de la phraséologie, dans le sens large et normé qu’il attribue à ce terme. Cela dit, il s’agit d’une phraséologie particulière, placée à part à l’intérieur de la phraséologie générale de la langue. C’est pourquoi, l’auteur s’attache à apprendre aux élèves à bien distinguer l’une de l’autre. Voici donc comment il définit les gallicismes et comment il enseigne à les reconnaître et à les traiter : « Ces locutions, quoique autorisées par l’usage, sont contraires aux règles générales et ne supportent point l’analyse.[27] Si donc on veut se rendre compte d’un gallicisme, il faut d’abord le traduire, c’est-à-dire, en chercher l’équivalent sous une forme régulière » (1856 : 74). Il illustre ces préceptes avec des exemples tels que :
« Il fait nuit égale La nuit est faite ou venue. » (1856 : 75)
« Elle ne fait que pleurer égale Elle pleure sans cesse. » (1856 : 75)
« Voici mon ouvrage égale Mon ouvrage est celui-ci. » (1856 : 76)
À la vue de ces exemples, il est clair que l’auteur entend par gallicismes des phrases à structure non régulière, c’est-à-dire dérogeant à l’organisation initiale de la langue et devant être « traduites » par des phrases ordinaires pour pouvoir être analysées. « Ex. Il y a huit jours que mon frère est parti. Cette phrase est mise pour : Mon frère est parti depuis huit jours. » (1856 : 93). C’est donc celle-ci qui est analysable selon la phraséologie du français de Dupont. Ceci montre que pour lui la phraséologie vise la formation correcte des phrases dans la production libre.
Or, quelques années avant la publication de l’ouvrage de Dupont, apparaît l’œuvre de Charles-Pierre Girault-Duvivier, Grammaire des Grammaires ou Analyse raisonnée des meilleurs traités sur la langue française (1811)[28], où se trouve tout un chapitre consacré aux gallicismes. L’auteur les définit comme « une façon de s’exprimer particulière à la langue », le français, en l’occurrence (Girault-Duvivier 1840 : 1128). Il distingue 4 catégories de gallicismes, à savoir : 1) ceux qui se trouvent dans le sens d’un mot simple (un homme de condition/un homme en condition) ; 2) ceux qui se trouvent dans des associations singulières de mots (un bon homme/un homme bon); 3) les gallicismes de figure ou expressions figurées (Comment vous portez-vous ? ; rompre en visière ; Il me la donne belle ; se mettre en quatre ; etc.) ; et 4) les gallicismes de constructions (Il y a pour dire Il existe ; Il n’est rien moins que généreux pour dire Il n’est point généreux ; etc.).
Si nous comparons les gallicismes signalés par Dupont et la typologie de Girault-Duvivier, il est évident que les premiers appartiennent au groupe des gallicismes de construction du second. Ceci n’est guère surprenant car Dupont les avait situés au chapitre de l’« Étude de la phrase », là où se concentre précisément son analyse logique des différentes constructions de la langue. Girault-Duvivier lui-même avait placé son étude sur les gallicismes au chapitre XII, sous l’épigraphe « De la construction grammaticale et de la Construction figurée ». Outre ce point commun, Dupont et Girault-Duvivier considèrent, tous deux, que ce type de gallicismes sont susceptibles d’être « traduits » par d’autres structures appartenant à la syntaxe régulière du français. Ceci serait pour eux la démonstration définitive de leur condition de groupe à part dans la langue française, celui des « locutions particulières » qui « s’écartant des règles ordinaires, distinguent une langue de toutes les autres. Ces locutions particulières s’appellent Idiotismes » (Girault-Duvivier 1833 : 1128). C’est cette idée de « traduction » qui nous dévoile l’existence d’une différence entre une « phraséologie générale », prise au sens large, qui représente la régularité de la langue et une « phraséologie particulière », prise au sens étroit, qui comprend des idiotismes représentant, au contraire, son irrégularité. Or cette dichotomie intralinguistique qui s’opère entre les deux domaines phraséologiques est résolue par le biais d’une paraphrase rétablissant l’équivalence entre « locutions particulières » et « phrases ordinaires ». Le rôle que joue ce mécanisme de transposition à l’intérieur d’une même langue nous révèle les rapports d’inclusion d’une partie dans l’autre (une phraséologie intralinguistique, particulière, au sein d’une phraséologie générale) et nous indique que toutes les deux sont prises en compte dans l’enseignement du français langue maternelle.
5 Phraséologie de Dupont vs. stylistique de Bally
Si l’usage « normé » que fait Dupont du terme phraséologie dans son ouvrage peut être considéré comme une exception par rapport aux grammaires scolaires de son époque, son volume étant le seul, à notre connaissance, à employer le mot comme synonyme de « grammaire de la langue française », sa comparaison avec l’emploi qu’en fait Bally dans son Traité de Stylistique Française (volumes I et II, 1909[29]) peut également contribuer à éclairer sa valeur particulière. En effet, le rapprochement, osé ‒nous l’avouons‒, que nous faisons entre ces deux auteurs part du fait que la singularité de l’ouvrage de Dupont ne peut s’apprécier dans sa juste mesure que si on la côtoie avec celle de celui qui, après lui, a spécialisé le mot phraséologie en Sciences du Langage. Or, pour bien comprendre l’intérêt qu’il peut y avoir à comparer deux auteurs et deux ouvrages aussi différents, il nous faut revenir d’abord, succinctement, aux principes qui sous-tendent le Traité de Stylistique Française de Bally.
5.1 La stylistique de Bally
L’interprétation de l’œuvre de Bally, en l’occurrence celle du Traité de Stylistique Française (1909), est à inscrire dans son temps, comme celle de Dupont s’inscrit dans le sien. Il ne s’agit donc pas de comparer des œuvres qui relèvent de circonstances bien différentes et de conceptions de la langue tout à fait opposées. En effet, s’il est vrai que Dupont se situe sur une matrice où la grammaire domine toutes choses au XIXe siècle, Bally, pour sa part, cherche à se placer aux antipodes de cette tradition linguistique, en quête d’une approche de la langue fondée sur la langue en discours, comme le souligne A. Curea (2013 : 46) :
Le changement de perspective annoncé par Charles Bally s’inscrit contre la tendance logiciste qui avait dominé, à son sens, l’étude du langage au XIXe siècle. L’intellectualisme est associé, d’une part, à toute approche purement théorique, étrangère à la réalité de l’usage de la langue, et d’une autre part, à toute approche qui traite le langage principalement comme une « opération logique ». La nouvelle perspective aurait à dépasser cette tendance, à instaurer une nouvelle conception du langage, fondée sur l’observation des faits et affirmant la prééminence de la sensibilité sur l’intelligence.
La nouvelle approche que cite Curea consiste en une procédure qui distingue le caractère logique ou intellectuel de la langue et son caractère affectif ou expressif. Selon cette perspective, la stylistique de Bally est fondée sur la dichotomie entre éléments intellectuels et éléments affectifs présents dans l’expression linguistique de la pensée. En effet, la pensée contenant à la fois les idées et les sentiments des sujets parlants, si ces deux éléments sont à proportion variable dans la formation de la pensée, il en est de même dans l’expression linguistique correspondante. C’est le rapport entre la part des éléments intellectuels et celle des éléments affectifs qui fait l’objet d’étude de sa stylistique, définie comme l’étude des moyens expressifs employés dans la manifestation linguistique de la pensée.
Cette dualité entre la part intellectuelle et la part affective de la langue amène Bally à établir d’autres dichotomies, telles que faits de langue et faits d’expression, les premiers étant des mots ou des expressions qui se forment au moyen de procédés formels ou grammaticaux, pouvant être soumis à l’analyse logique, dite aussi intellectuelle ou grammaticale; et les seconds étant des mots ou des expressions qui se forment au moyen de procédés affectifs ou expressifs, pouvant être soumis non seulement à l’analyse logique mais aussi à l’analyse sensible. Car un fait d’expression peut être saisi soit par la logique soit par la sensibilité : par la logique, il est perçu par l’intelligence, intellectuellement, c’est-à-dire analysable d’un point de vue logique, grammatical (c’est un fait d’expression à valeur non affective) ; par la sensibilité, il est senti affectivement, c’est-à-dire analysable au moyen de procédés expressifs (c’est alors un fait d’expression à valeur affective).
La pensée comprenant pour Bally des idées et des sentiments, les faits d’expression comprennent une part variable de moyens intellectuels et affectifs dont la façon de les identifier émane aussi de la même dichotomie : il existe, d’une part, les faits construits selon un mode d’expression intellectuel, sans éléments affectifs, directement analysables d’un point de vue logique, et d’autre part, les faits construits selon un mode d’expression affectif qu’il faudrait transcrire dans le mode intellectuel pour pouvoir les analyser du point de vue logique. Or il existe d’ordinaire une prépondérance du contenu affectif[30] dans les faits d’expression, ce qui exige une procédure dans l’accès au sens où imagination et sensibilité s’opposent à intelligence. Ainsi, pour accéder au sens, l’analyse de ces faits ne pourra se faire en priorisant l’interprétation grammaticale ; au contraire, il faudra y accéder à travers des indices d’ordre sémantique et pragmatique. Comme l’indique, Bally (1921 [1909] : 156) :
[…] une étude du langage qui n’est guidée que par la logique demeure une étude incomplète ; tout un domaine de l’expression linguistique reste inaccessible par les procédés purement intellectuels qui ont résumé jusqu’ici toutes les sciences du langage ; entre ces deux points de vue extrêmes, la grammaire, d’une part, qui n’est que la logique appliquée au langage, et l’étude de l’expression littéraire, d’autre part, il y a place, selon nous, pour une discipline distincte : l’observation purement scientifique des caractères affectifs du langage organisé ; or c’est là, on le sait, ce que nous appelons la stylistique.
Autrement dit, même si un fait d’expression est un fait de syntaxe, il exprime une forme d’idée et une forme de sentiment qui doivent être prises en compte dans l’analyse de sa manifestation linguistique, une analyse qui doit se faire à travers l’observation de tous les moyens expressifs. Ce passage des rapports entre langue-pensée à ceux entre langue-parole ouvre une perspective à l’analyse du discours, à sa dimension pragmatique et même psychosociale. Il s’agit donc d’une nouvelle approche de la langue au moyen d’une analyse des faits de parole en contexte. Or tous ces préceptes seront appliqués, bien évidemment, à ce que Bally considère phraséologie.
5.2 La phraséologie de Bally
La grande originalité de Bally, c’est d’avoir tiré profit de la différence entre la combinaison libre et la combinaison fixe de la langue pour élaborer sa théorie de la phraséologie. C’est, en fait, la partie stable qui va recevoir le nom de phraséologie, à l’intérieur de laquelle il distingue les groupes de mots à cohésion partielle, divisés en séries d’intensité et périphrases verbales et les groupes à cohésion absolue, nommés unités phraséologiques.[31] Or, même si la langue qu’il vise de façon prioritaire dans son étude est la langue courante (nommée aussi usuelle ou commune), il différencie d’autres types de langue tels que la langue technique, scientifique, littéraire, familière ou argotique, ayant toutes leur mode d’expression propre (usuel, écrit, littéraire, technique, familier) et étant pourvue chacune d’une combinatoire libre ou fixe. De telle sorte qu’il existe plusieurs types de phraséologie, selon le point de vue adopté. Ainsi, en fonction du registre de langue, il existe une phraséologie de la langue courante, une phraséologie familière, une phraséologie littéraire, etc. ; selon le degré de figuralité, à l’intérieur de chaque type de phraséologie, il peut y avoir une phraséologie imagée[32] ou pas. Il peut même y avoir des sous-groupes : ainsi, dans la langue littéraire, il peut y avoir des expressions propres à la langue littéraire et d’autres propres au style poétique.
Cela dit, c’est dans la phraséologie familière[33] que Bally range les gallicismes qu’il relie, d’ailleurs, à la notion d’idiotisme. A ses yeux, cette notion s’est
malheureusement […] élargie au point que les manuels y comprennent actuellement tous les faits « curieux » ou « remarquables » de la langue ; aussi ces recueils, au lieu d’être des répertoires de la lexicologie familière, exigent-ils une étude critique (d’ailleurs intéressante) pour faire le triage entre les expressions ‹ parlées › et celles qui appartiennent à un autre mode d’expression (1921 [1909] : 303).
Il est donc clair que pour Bally les gallicismes appartiennent à la langue parlée et au registre familier,[34] et de ce point de vue, il regroupe sous ce terme aussi bien des expressions imagées telles que mettre la puce à l’oreille, risquer sa peau que des expressions propres à la conversation telles que À la bonne heure ! ou Je n’en peux mais. Les premières « contiennent des images ‹ affectives ›, c. à d. des images perçues à la fois confusément et fortement » (1951 [1909] : 157) et les secondes sont impossibles « de prononcer sans une intonation exclamative » (1921 [1909] : 166).[35] Dans la tendance qu’a Bally à établir des classements pour tous les faits de langue ou d’expression, ici aussi il distingue dans cette phraséologie familière une phraséologie imagée et une phraséologie exclamative qui inclut aussi bien des séries que des unités phraséologiques à nuance affective et à intonation exclamative.[36]
A la vue des conceptions de Bally sur l’approche de la langue, en général, sur les éléments qui forment la phraséologie et sur la place qu’occupent les gallicismes, en particulier, nous pouvons désormais établir une comparaison entre son ouvrage et celui de Dupont.
5.3 Comparaison entre les ouvrages de Dupont et de Bally
Bien que tous les analystes de la stylistique de Bally, telle qu’il l’a conçue,[37] reconnaissent en elle la devancière de la théorie de l’énonciation, ce qui nous fait rapprocher Bally de Dupont, c’est que tous deux sont des réformateurs de l’enseignement du français, chacun à sa manière selon son époque. Leurs ouvrages respectifs sont le résultat de leur expérience comme enseignants et c’est d’un point de vue essentiellement pédagogique qu’ils ont été conçus. En effet, ils se présentent en deux volumes, l’un théorique et l’autre pratique, le tout comme un manuel d’enseignement destiné aux enseignants et aux élèves (et même aux chercheurs, en ce qui concerne Bally). La langue qu’ils enseignent tous deux est la langue contemporaine, celle de leur temps, avec des exemples créés par eux-mêmes.[38] Ils évitent donc le point de vue historique et enseignent le français moderne.
Dans ce sens, la stylistique de Bally recueille l’héritage auquel se rattachait déjà Dupont (nous allons voir qu’ils utilisent tous deux le même exemple, « Dieu est bon »), en préconisant une discipline qui vise à enseigner la langue française essentiellement comme langue maternelle,[39] à travers « l’étude intelligente de la langue d’aujourd’hui, dans ses manifestations les plus vivantes, les plus voisines de la pensée spontanée (1921 [1909] : Avant-propos, IX). Outre le rapport entre pensée et langage, cette déclaration rejoint aussi, en quelque sorte, la même idée que celle de Dupont, contraire à l’étude de la langue du passé dans son rejet des phrases-exemples tirées de la littérature.
À l’instar de Dupont, qui a fait de sa phraséologie une méthode d’enseignement de la langue française, en tant que langue maternelle, fondée sur un rapport entre langue et pensée, la vocation de la stylistique de Bally est de rendre compte du fonctionnement de toutes les manifestations linguistiques à partir de ce même rapport. En effet, si Dupont énonçait dans ses Notions préliminaires aux maîtres le lien entre la pensée et la phrase, Bally établit le même rapport dans la définition qu’il donne de la stylistique dans son chapitre d’Introduction (1921 [1909] : 5–6) :
Le langage exprime nos idées : D’abord, nous exprimons des idées ; la parole a pour mission (mais ce n’est ni la première ni la plus importante) d’extérioriser toute la partie intellectuelle de notre être pensant. Quand nous constatons, affirmons ou nions que telle chose est ou n’est pas, nous exprimons des idées (p. ex. « La terre tourne ») ; nous en exprimons encore lorsque nous apprécions, que nous jugeons simplement, objectivement, sans mêler notre moi aux phénomènes sur lesquels se porte notre attention (p. ex. « Dieu est bon »).
Ce point de vue rejoint, en effet, celui de Dupont, pour qui la langue exprime aussi la pensée, en tant que somme d’une idée et d’un jugement. Or, à cette combinaison, Bally ajoute le sentiment. C’est pourquoi il distingue, d’une part, les faits de langage, qui appartiennent à la grammaire et à son analyse logique dans le même sens exprimé par Dupont, pour qui les faits sont les manifestations actualisées des normes de la syntaxe ; et d’autre part, les faits d’expression qui constituent, dans un sens large, la manifestation linguistique de la pensée entière (avec ses idées et ses sentiments), mais qui, dans un sens étroit, représentent la partie affective de cette manifestation en question. C’est pourquoi, il définit la stylistique comme « l’étude du contenu affectif des faits d’expression dans le langage organisé » (1921 [1909] : 155). La différence consiste en ce que Dupont adopte le point de vue statique de la langue, où le modèle est la norme, tandis que Bally part des multiples façons de manifester linguistiquement une même pensée pour en étudier les différents moyens d’expression.
Cela dit, Bally ne renonce pas pour autant à l’analyse logique. En fait, il l’utilise comme épreuve d’identification des faits d’expression. En effet, sa méthode d’identification consiste à observer l’écart entre la structure logique et la manifestation linguistique du fait d’expression en cherchant son équivalent dans la langue courante, inexpressive. Cette quête de l’équivalent peut suivre la démarche logique de la grammaire, en ramenant le fait d’expression à sa construction strictement logique, et de ce fait à sa valeur réelle en syntaxe. Ainsi, un fait d’expression tel que « Il demeure à deux pas d’ici » équivaudrait à « Il demeure tout près d’ici », ou « C’est fameux, ça, hein, qu’en dites-vous ? » à « Ne trouvez-vous pas comme moi que c’est très bon ? », ou encore « Vous prenez de l’âge » à « vous vieillissez, vous devenez vieux » (1951 [1909] : 209–210). C’est donc cette épreuve d’équivalence qui prouve le caractère affectif et non grammatical des faits d’expression.[40] Cette méthode d’identification nous rappelle la méthode de Dupont lorsqu’il recommande, pour reconnaître un gallicisme, de le « traduire », c’est-à-dire, d’en chercher l’équivalent sous une forme régulière.
En ce qui concerne les faits d’expression de la phraséologie dans les différents types de langue qu’établit Bally, la procédure d’identification est la même. Il y a, selon lui, une phraséologie intellectuelle, non imagée, et une phraséologie affective, imagée, où le sens individuel des mots de la locution s’efface sous l’action d’un sentiment. Ces deux types de phraséologie peuvent être saisis par la logique à travers des traits formels qui servent à les identifier. En ce qui concerne la phraséologie imagée, ce trait formel est le langage figuré[41] ou image : « Il y a un procédé formel dans cette opération de la pensée (…) qui efface le sens individuel des mots d’un groupe pour conférer un sens nouveau à l’ensemble de ce groupe : c’est ce procédé qui est à la base de tous les groupements phraséologiques » (1921 [1909] : 252). Cela dit, voici par quels moyens il est possible de rétablir les faits de syntaxe des faits d’expression : 1) en supprimant les pauses résultant de la dislocation (Je suis malade, réellement => Je suis réellement malade) ou de la dislocation extrême (Vous ici ! non ! Ah ! celle-là, par exemple, elle est trop forte ! => Je suis stupéfait de vous trouver ici !) ; 2) en supprimant les particules pronominales (J’en ai connu, moi, des jours de misère => j’ai connu bien des jours de misère) ; 3) en observant l’intonation des phrases et en les ramenant à une construction plus « régulière » (En quelle peine je me trouvais, imaginez-le, si vous pouvez => Imaginez, si vous le pouvez, en quelle peine je me trouvais) ; 4) en remplaçant la liaison marquée par l’intonation par des phrases logiquement construites au moyen de conjonctions (Cela sera, je le veux => Je veux que cela soit).
Une remarque d’une certaine importance est à faire pour ce qui est du niveau grammatical des éléments que Bally considère comme phraséologiques. En effet, d’après sa typologie, il semblerait que seuls les syntagmes (ou locutions) rendent compte des éventuels groupements qui forment les séries et les unités phraséologiques, ce qui exclut, apparemment, les phrases en tant qu’énoncés complets. Or il serait erroné de croire qu’il délimite la phraséologie d’après un critère fondé sur une catégorie grammaticale. Il est bien connu que, pour lui, il n’y a pas de paroi étanche entre grammaire et lexicologie (1951 [1909] : 183), et ce n’est donc pas sur ces paramètres que l’on doit interpréter sa typologie.[42] Le sens qu’il donne au mot « phraséologie » pour désigner l’ensemble de la combinatoire fixe d’une langue est large, du point de vue grammatical, bien qu’il soit étroit par rapport à la phraséologie de Dupont, puisqu’il s’agit d’une phraséologie qui ne couvre qu’une partie de la langue.
Cela dit, la dualité combinatoire libre-combinatoire fixe (ou phraséologie), établie par Bally d’après un critère sémantique (rappelons, ici, qu’un groupe phraséologique correspond, pour lui, à une unité de sens), renvoie, ‒sans coïncider bien évidemment ni dans les termes ni dans les faits ni dans les critères‒, à la dualité phraséologie normée-phraséologie rebelle (ou gallicismes), établie par Dupont d’après un critère grammatical. C’est-à-dire, tous deux conçoivent une phraséologie binaire, l’une « régulière » et l’autre « particulière » inscrite dans une perspective intralinguistique. Cette phraséologie « particulière » consiste dans les deux cas dans la présence des gallicismes dont le traitement va marquer, en fait, toute la différence. Car si pour Dupont les gallicismes constituent la partie rebelle de la langue, qui échappe à toute analyse logique, pour Bally ils se trouvent au cœur de la langue parlée, en tant que produits de la spontanéité des locuteurs et fruits de l’expression de leurs sentiments. Ces expressions, dont les images sont « empruntées au monde sensible le plus voisin des sujets parlants » (1921 [1909] : 291–292) sont ainsi le signe le plus évident de la langue parlée.[43] En effet, elles sont le plus souvent employées dans la langue de la conversation et présentent un contraste « frappant » avec leur signifié.[44]
6 Conclusion
Si l’usage « normé » que fait Dupont du terme phraséologie dans son ouvrage peut être considéré comme une exception par rapport au sens que possède le mot aujourd’hui lié à la discipline qu’il désigne, il peut l’être également par rapport aux grammaires scolaires de son époque. En effet, le volume de cet auteur est le seul, pour autant que nous sachions, à employer le mot comme synonyme de « grammaire de la langue française ». Dans ce sens, les éléments étymologiques qui se trouvent à l’origine du terme, à savoir λογία et φράσις, correspondent bien à l’« étude de la phrase » en général dans un sens large, analogue à celui de grammaire et de syntaxe.[45] Appliqué à l’apprentissage de la langue, le terme sert, en l’occurrence, à signaler la façon d’apprendre à former des phrases ordinaires selon des règles de formation prescriptives.[46] Ces règles précèdent l’actualisation des faits de langue qui servent de modèle à l’apprenant qui, une fois ces phrases de base apprises, pourra former ses propres phrases. Dans ce sens, la phraséologie de Dupont désigne l’étude de la langue à travers les phrases.
En fait, la seconde partie de son ouvrage, consacrée précisément à l’« Étude de la phrase », est la plus à même de représenter ce sens général accordé au terme phraséologie car là se trouvent non seulement les phrases grammaticales et normées mais aussi celles qui, ne pouvant pas être analysées ni servir à reproduire d’autres phrases d’après leur structure, devront rejoindre le groupe des gallicismes. Or le rôle que jouent ces éléments propres à une langue dans l’ouvrage de Dupont, en s’opposant précisément au sens pris ici par le mot phraséologie, rend cette œuvre précieuse et unique non seulement dans le panorama des grammaires de l’époque mais aussi par rapport au sens que Bally lui a attribué et que tout phraséologue accorde à la discipline qui s’occupe des combinaisons fixes de la langue.
En effet, l’analyse des divergences entre l’ouvrage de Dupont et celui de Bally a permis de mettre en évidence l’originalité non seulement de chacun des deux par rapport à ses contemporains, grâce à une approche innovante de la description de la langue, mais aussi de l’un par rapport à l’autre. Cela dit, tout linguiste étant tributaire de ses antécesseurs, les liens qui rattachent Bally à Dupont dans son rapprochement entre la pensée et la langue et dans sa méthode d’identification des faits d’expression au moyen des faits de langage mettent en lumière une conception commune d’une phraséologie intralinguistique binaire où une « phraséologie générale », prise au sens large, s’oppose à une « phraséologie particulière », prise au sens étroit. La différence entre eux consiste en ce que la phraséologie prise au sens large correspond pour Dupont à tous les faits de langage et pour Bally aux faits d’expression de la combinatoire fixe de la langue, alors que la « phraséologie particulière » est la même pour les deux, fondée sur les gallicismes, ces constructions inanalysables par la syntaxe pour Dupont et inanalysables par la sémantique pour Bally. Ce groupe d’expressions rebelles aux règles sur lesquelles chacun des deux édifie sa propre théorie linguistique constitue la pierre de touche qui sert à identifier et justifier la « phraséologie générale », telle que chacun la conçoit.
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