Nous nous souvenons tous du merveilleux livre sur l’héritage de Thomas A. Sebeok, publié en 2011 et intitulé « Semiotics continues to astonish » (Cobley et al. 2011). Aujourd’hui, plus d’une décennie plus tard, nous pourrions ajouter: « Oui, en effet ». Encore et encore. Les textes étonnants publiés en 2023 dans les revues sémiotiques Sign Systems Studies et Semiotica étaient si divers dans leur contenu qu’il serait extrêmement difficile de réduire toute leur ampleur et leur richesse thématique à quelques sujets plus ou moins généraux. Néanmoins, pour ce bilan, nous avons réussi à identifier les grands groupes thématiques suivants:
La sémiotique au service de notre monde contemporain (résolution ou description de problèmes contemporains en ayant recours à la sémiotique)
Réflexions de nature biosémiotique
Sémiotique de la littérature et de l’art (entendue au sens large du terme)
Langage, communication et traduction à travers le prisme de la sémiotique
Les « grands noms » de la sémiotique et son histoire
« Métasémiotique » contre sémiotique théorique (la sémiotique en tant que science).[1]
Au-delà de ceux-ci, les deux revues ont également organisé des numéros thématiques en 2023. Ceux-ci ont abordé les thèmes de la sémiotique et de la religion (Sign Systems Studies [numéro 51 (2), préparé et introduit par Thomas-Andreas Põder et Matthew L. Kalkman (2023)] et des « horizons inhumains » de la sémiotique et de la subjectivité (Semiotica [numéro 254, organisé et préfacé par Martin Švantner et Ondřej Váša (2023)]). Au sein de ces catégories globales, cependant, les articles publiés dans ces numéros témoignent également de l’attention portée aux thèmes que nous avons identifiés ci-dessus.
1 La sémiotique au service du monde contemporain
Ce bloc thématique d’articles contient des études très diverses en ce qui concerne leurs sujets d’intérêt particuliers.
Certains d’entre eux concernent les enfants et les adolescents. Par exemple, Silva H. Ladewig et Lena Hotze (2023) traitent du mouvement de gifle utilisé par les enfants allemands âgés de quatre à six ans. Un tel mouvement a des fonctions communicatives particulières et les auteurs distinguent ici différents degrés d’abstraction, de l’action en tant que telle au geste au sens sémiotique.
Colin Symes (2023) mène une analyse sémiotique des badges des écoles publiques de Nouvelle-Galles du Sud, en Australie. L’étude est assez innovante, car ces badges scolaires n’ont pas fait l’objet de beaucoup d’analyses jusqu’à présent. L’article soutient que ces badges d’école australiens font dans la plupart des cas référence à la persuasivité et à la signifiance locale, comme leurs homologues ailleurs dans le monde.
Bien sûr, il serait difficile de parler du monde contemporain sans évoquer l’ensemble des problèmes liés à l’intelligence artificielle. La sémiotique s’avère utile ici aussi: un bon exemple est l’article de Jin Young Lee et Sung Do Kim (2023) sur l’émergence de ce que l’on appelle la post-narrativité à « l’ère de l’intelligence artificielle »; en se concentrant sur les machines à écrire et les auteurs robots, cette étude propose une nouvelle vision du concept de « création narrative ». De même, Daria Arkhipova et Auli Viidalepp (2023) analysent la dynamique culturelle de l’art vidéo généré par l’IA dans la sémiosphère, en appliquant certains outils et catégories de la sémiotique culturelle lotmanienne et démontrant que les œuvres de penseurs célèbres du passé tels que Lotman peuvent nous aider à regarder les problèmes émergents du monde contemporain d’une nouvelle manière. Merit Rickberg (2023) fait également référence à l’héritage intellectuel de Juri Lotman, en étudiant comment diverses approches de l’enseignement de l’histoire peuvent influencer différentes stratégies de gestion de l’incertitude – une compétence cruciale pour le monde contemporain. La chercheuse établit un parallèle entre trois types de pédagogie historique et trois types de systèmes de modélisation qui remontent à la théorie générale de la sémiotique de la culture de Lotman (type de modélisation mythique, scientifique, et ludique). Pour Marcelo Santos (2023), la lecture de l’œuvre de Roland Barthes a permis d’offrir un nouveau regard sur deux « mythes » contemporains: ceux de « l’internet libre » et de « l’activité des utilisateurs sur les réseaux sociaux numériques ».
Les jeux vidéo constituent également une part importante de notre monde contemporain. Cela est parfaitement manifeste dans l’article de Yunus Luckinger (2023), dans lequel, à partir de l’exemple du jeu vidéo Player Unknown’s Battle Grounds, une approche sémiotique est utilisée pour parvenir à une meilleure compréhension du processus de création de « mondes possibles » dans les jeux vidéo en général. La notion de signe acquiert une place importante dans ces réflexions. Václav Janoščík (2023) enquête, d’un point de vue post-marxiste, sur le jeu en tant que phénomène contemporain lié à la monétisation, en insistant particulièrement sur le fait que les jeux les plus réussis aujourd’hui n’utilisent en fait aucun modèle de « paiement du produit », mais ils utilisent des modes plus complexes et même agressifs pour monétiser leur contenu. Jakub Marek (2023) discute de l’épidémie d’ennui qui se propage rapidement dans la société contemporaine, en se concentrant en particulier sur le phénomène du scrolling et en le distinguant des autres formes de distraction « à l’ère de l’ennui ». Il parle également de la « réduction sémantique » qui en résulte et qui peut avoir des conséquences sémiotiques de grande portée.
L’aspect social de la vie contemporaine est également abordé dans plusieurs articles. Baal Delupi (2023) propose une analyse des « masques d’activistes » dans les protestations sociales latino-américaines, qui ont généré de nouveaux signes circulant dans la sémiosphère (physiognomonie, représentation, évocation). Katarina Damčević (2023) analyse le discours médiatique autour du salut fasciste de la Seconde Guerre mondiale Za dom spremni (« Prêt pour la Patrie »), qui a suivi deux commémorations nationales qui ont eu lieu en Croatie en 2020. L’article de Tomáš Kobes (2024) montre également l’aspect social comme inévitablement présent dans son étude du processus de formation des images d’inhumanité dans les campements roms slovaques.
Certains articles traitent manifestement d’aspects appliqués de la sémiotique. Chuanyou Yuan et Huishu Cao (2023) proposent une étude polysémiotique du discours juridique à travers le prisme de l’analyse du discours multimodal appliquée, cette fois, au cas concret de l’étude des plaidoiries finales des avocats. La contribution de Zekai Ayik (2023) propose une « approche fonctionnelle systémique de la sémiose pédagogique », en discutant du rôle des gestes dans la « construction sémiotique » des connaissances scientifiques et en explorant les types et le rôle des gestes dans ce contexte. Compte tenu de la place considérable des gestes dans la pédagogie, l’importance de cet article est difficile à surestimer. La pédagogie et la sémiotique dans le contexte moderne sont également abordées dans l’étude de Mahdi Kermani et Zahra Baradarankashani (2023), suggérant l’utilisation de certaines catégories de sémiotique sociale dans l’étude des possibilités d’éducation des femmes – parlant, plus précisément, de l’éducation des jeunes filles iraniennes. Et même l’étude théorique de la sémiotique des stéréotypes à travers l’idée clé de l’énonciation, entreprise par Claudio Paolucci, Paolo Martinelli et Martina Bacaro (2023), peut, en perspective, acquérir une importance pratique, car elle concerne le sujet sensible des stéréotypes des personnes avec handicap.
Enfin, certaines études ne traitent pas seulement de la modernité au sens large, mais aussi des problèmes cruciaux auxquels l’humanité est actuellement confrontée, tels que la préservation de l’équilibre entre la nature et la culture afin de maintenir un environnement durable pour l’humanité. L’article de Murat Kalelioğlu (2023) offre ainsi une « vision sémiotique » sur ces thèmes en termes de rôle du sujet dans la durabilité des patrimoines naturels et culturels du Latmos. De même, Hyeong-Yeon Jeon, Jang-Geun Oh, Chi-Hyun Wang et Sangwon Kim (2023) réfléchissent à la nécessité d’une approche écosystémique basée sur les systèmes relationnels dans l’enquête sur l’industrie culturelle de la Corée du Sud. Une fois de plus, la sémiotique devient un instrument inestimable pour aborder la complexité du monde contemporain. Dans l’étude de Timo Maran (2023), il s’agit de la crise écologique mondiale, l’auteur aborde le « mouvement de décroissance » et l’« accélération sémiotique », cette dernière constituant un aspect sémiotique du premier, un concept si pertinent dans le monde d’aujourd’hui.
2 Réflexions biosémiotiques: la (bio)sémiotique continue d’é(s)tonner 
La biosémiotique est de plus en plus importante dans le monde universitaire moderne, et les réflexions de nature biosémiotique sont présentes dans de nombreuses recherches sémiotiques de 2023 à travers le monde. (Il convient de noter que, fait intéressant, la plupart des travaux analysés et traitant de la biosémiotique ont été publiés dans la revue estonienne Sign Systems Studies: en ce sens, la biosémiotique continue d’é(s)tonner, encore et encore!).
Ces travaux abordent souvent les « significations biologiques »: en particulier, Marc Pharoah (2023) discute de la signification biologique en termes d’évolution de la signification et de l’objectivité. Il conclut ainsi:
À chaque occasion […] nous devrions chercher à réaffirmer notre engagement à aborder la signification aussi directement et avec autant de sensibilité que possible, car chaque action physique est la conséquence du sens, et non l’inverse. Et nous devons rejeter la détermination causale et considérer la théorie de l’évolution avec prudence, car c’est une vision du monde stérile et objective dans laquelle la signification n’a qu’une importance accessoire. (Pharoah 2023: 164)
La catégorie biosémiotique essentielle d’Umwelt était également au premier plan en 2023: c’est l’umwelt (ou, autrement dit, le « monde propre » [« self-world »]) qui est ontologiquement primaire, tandis que sa division interne aboutit à l’apparition d’organismes avec leurs environnements – c’est la conclusion à laquelle arrive Silver Rattasepp (2023), sur la base du contexte théorique proposé par John Dewey, Gregory Bateson et Gilbert Simondon.
Enfin, nous constatons également que les études de cas en biosémiotique fleurissent. En se concentrant sur l’éruption du mont Merapi en Indonésie en 2010 et ses conséquences pour les villages situés sur son versant, Muzayin Nazaruddin et Riin Magnus (2023) se penchent sur les changements dans les « relations entre l’homme et l’animal non humain » afin d’analyser comment les catastrophes naturelles peuvent cristalliser des transformations qui ont déjà commencé à avoir lieu dans le cadre d’une société particulière. Dans une étude de cas portant sur les espèces liminaires à Tartu, Pauline Delahaye (2023) mappe l’écosystème urbain partagé et promeut l’émergence du concept de résistance de la relation sémiotique: selon la chercheuse, certaines relations de nature sémiotique semblent résister à tout ce qui pourrait les contredire, éclairant le sujet de la relation symbolique sous un jour biosémiotique.
3 Sémiotique de la littérature et de l’art
Les ouvrages publiés l’année dernière en lien avec la sémiotique de la littérature sont très divers quant à leur contenu. Pour commencer, John Hopkins (2023) parle du poète jamaïcain Ishion Hutchinson, en essayant de comprendre les mécanismes de son œuvre poétique notamment à travers la théorie sémiotique de la poésie proposée par Michael Riffaterre et en accordant une attention particulière à la catégorie des « textes poétiques modernes ». Qian Zhao (2023) analyse les significations métaphoriques des symboles (nombres, rêves et animaux) dans les textes de Milan Kundera, démontrant par cette analyse l’axiome sémiotique selon lequel la signification apparaît dans l’interprétation. Magdalena Maria Kubas (2023) analyse la représentation spatiale de la Vierge Marie dans la poésie italienne à l’époque du Concile Vatican II, en discutant cette thématique en termes de catégories sémiotiques.
Dans certains cas, l’analyse des textes littéraires s’accompagne de l’étude des illustrations de ceux-ci, ce qui nous permet d’aborder la multimodalité sémiotique. Dans cette perspective, Christian M. I. M. Matthiessen et Francicso O. D. Veloso (2023) écrivent sur les mondes « réel(s) » et « imaginaire(s) » dans une version particulière du conte bien connu de Margery William The Velveteen Rabbit, or How Toys Become Real, où le thème correspondant est abordé à la fois linguistiquement et sur le plan pictural.
Des travaux sur la sémiotique du cinema étaient également présents parmi les publications de l’année dernière. Muhammad A. A. Taghian et Ahmad M. Ali (2023) discutent, en termes d’une « approche sémiotique sociale », du sous-titrage des sentiments émotionnels dans la version arabe du film américain de 2003 Homeless to Harvard. Une analyse multimodale du discours est donc proposée dans l’étude basée sur la sémiotique. L’article démontre clairement à quel point l’application de catégories sémiotiques à l’analyse des films peut être fructueuse. Un autre exemple qui le confirme est l’article de Marc Bekaert et Maarten Coёgnarts (2023), dans lequel les célèbres catégories peircéennes de la Firstness, de la Secondness et de la Thirdness sont utilisées pour proposer un nouveau modèle d’analyse de l’ocularisation au cinéma, avec le film Kimi de Steven Soderbergh datant de 2022 et présenté comme une étude de cas. Michael Betancourt (2023) analyse le rôle de l’intention dans l’identification de l’encodage survenant pour les objets non lexicaux de la sémiose (tels que les images « fixes » et « animées »).
Considérant l’animation comme un genre particulier de l’art populaire, l’article de Francesco Piluso (2023) étudie les rôles et les positions des « “villains” de Disney » dans le cadre narratif des films d’animation et de la culture populaire, en accordant une attention particulière à l’évolution de leur représentation, en appliquant les outils de l’analyse de texte greimasienne et de la théorie lotmanienne de la sémiosphère.
D’autres médias et genres artistiques ne sont pas non plus passés inaperçus. Ayse Ece Onur et Erdal Aygenc (2023) analysent les « signes existentiels » (« signes pendant la phase créative du développement personnel ») rencontrés en parlant de l’« existential being » de l’artiste céramiste Alev Ebuzziya Siesbye. Écrit dans le cadre d’une approche ethno-visuelle-sémiotique, l’article de Silvia Barbotto (2023) étudie des œuvres de portrait sélectionnées dans l’exposition photographique « Living Pictures: Photography in Southeast Asia » qui a eu lieu à la Galerie nationale de Singapour. Federico Bellentani (2023) étudie les « significations » du visage dans les monuments et les mémoriaux, en distinguant plusieurs périodes historiques à cet égard et en proposant une typologie des usages et des « significations » des visages. Parmi les cas analysés dans l’article, le tout premier est le monument (sculpture-fontaine) à Juri Lotman dévoilé à Tartu en 2007.
Parfois, la réflexion s’est portée sur des formes d’art complètement nouvelles. Par exemple, Raffaella Scelzi et Nicola Difino (2023) écrivent sur le nouveau concept de gastrofonia, une forme culturelle combinant nourriture et musique. En effet, partant de l’idée sémiotique que la signification est toujours déterminée par nos interprétations, les auteurs analysent la gastrofonia en examinant le son comme une connexion possible entre les arts visuels et matériels.
Adoptant une approche plus théorique (ou une « méta-approche »), Jui-Pi Chien (2023) discute des termes Kunstwollen et Stimmung tels qu’ils apparaissent dans les travaux de l’historien de l’art Alois Riegl dans le cadre de l’esthétique cognitive et évolutive. Vladimir Feshchenko (2023) étudie la communication artistique en tant que type d’interaction sémiotique dans les discours de l’art, avec une attention particulière aux modèles de « signe esthétique » et aux modèles particuliers correspondants de sémiose en ce qui concerne les systèmes artistiques.
Enfin, en partie dans la continuité de ce qui a été dit dans la section précédente, soulignons que, à la lumière du développement rapide de la biosémiotique aujourd’hui, il est gratifiant que de nombreux projets artistiques soient directement liés à cette branche prometteuse de la sémiotique. Un seul exemple: Martin Charvát (2023) fait référence au projet de l’artiste contemporain argentin Tomás Saraceno comme visant à sortir de la compréhension anthropocentrique de la communication et de la coexistence avec d’autres organismes animaux. M. Charvát insiste dans cet article sur l’importance d’utiliser les cadres de visualisation modernes et leurs modalités dans le monde animal (en particulier, l’exemple des araignées est proposé à la discussion).
4 Discuter des questions de langage, de communication et de traduction à travers le prisme de la sémiotique
De nombreux textes publiés en 2023 reflètent plusieurs « traditions » linguistiques et culturelles, ainsi que des cadres théoriques variés.
Jiangping Zhou (2023) propose d’utiliser la catégorie de l’entropie pour mesurer la complexité de la métaphore grammaticale telle qu’introduite par M. A. K. Halliday. L’article pose la question de savoir comment considérer la notion même d’entropie en termes de catégories sémiotiques. Sergio Torres-Martínez (2023) réfléchit à la « sémiotique de l’encodage du mouvement » dans l’anglais ancien, proposant une « renewed construction grammar analysis » dans une perspective diachronique. S’appuyant sur la théorie de la grammaire de construction cognitive agentive (supposant que la langue reflète des informations non linguistiques « acquises corporellement, renvoyant aux processus d’échange et de conservation de l’énergie, qui sont sémio-biologiques quant à leur caractère), S. Torres-Martínez analyse les modèles d’association entre les verbes, la particule « up » et la structure argumentative en vieil et moyen anglais, et arrive à la conclusion que la « cognition incarnée » [« embodied cognition »] évolue en facilitant « l’alignement mental ontogène » entre les êtres humains. Elnara Dulayeva, Fatima Mamedova et Agnur Khalel (2023) discutent des formules de discours de salutation et d’adieu en turc et en arabe, les considérant comme pertinentes pour identifier les significations et les concepts linguo-culturels importants à l’aide de la modélisation conceptuelle. Kyung Hye Kim et Yifan Zhu (2023) examinent les traductions coréennes d’une œuvre japonaise, Joshi no rongo, qui est une interprétation moderne du texte classique chinois Les Analectes. L’étude montre comment des paratextes tels que les péritextes et les épitextes ont influencé la réception du texte dans la culture cible. Traitant de l’humour dans le discours publicitaire contemporain, l’article d’Annabelle Seoane et Montserrat López Díaz (2023) montre qu’il s’agit d’un « mécanisme privilégié » de communication « multicanale et plurisémiotique » qui transforme le « discours commercial » en une « pratique de communication active ».
Sur un versant plus théorique, Lauri Linask (2023) analyse « l’autocommunication » dans le « crib speech and private speech », en insistant sur le fait que l’autocommunication (« communication avec soi-même ») est distincte de la communication avec « l’autre » à la fois dans la forme et dans la fonction. Parlant du développement de la pensée chez les petits enfants (où l’autocommunication joue un rôle important), L. Linask distingue les concepts de « crib speech » et de « private speech » en fournissant une analyse sémiotique de ce dernier en termes du concept lotmanien de l’autocommunication.
Des notions (relativement) nouvelles trouvent également leur place dans les réflexions de l’an passé. Par exemple, l’article de Marie-Hélène Hermand (2023) propose une perspective permettant une description et une interprétation, à des fins d’analyse communicationnelle, de ce que l’on appelle les textscapes (le cadre théorique de l’étude est basé sur la théorie du textscape et sur les Linguistic Landscape Studies). La notion sémiotique de textscape linguistique est testée pour analyser la « mise en scène » des langues dans la communication web des organisations.
5 Sur les « grands noms » de la sémiotique et son histoire
Bien sûr, la recherche sémiotique serait impossible sans l’étude de l’héritage intellectuel de penseurs célèbres du passé.
Leurs œuvres pourraient être utilisées pour étudier même les textes les plus anciens. Par exemple, Giovanni Manetti (2023) analyse le texte classique de Philodème, De signis, qu’il considère comme étant d’un intérêt sémiotique considérable, car il concerne le débat entre épicuriens et stoïciens sur l’inférence sémiotique.
Parfois, l’étude du passé aide à mieux comprendre ce qui se passe dans la sémiotique d’aujourd’hui. Shawn Normandin (2023) fait appel à l’importance de l’étude de l’histoire de la sémiotique, en insistant notamment sur le fait que l’étude attentive de l’héritage intellectuel d’Algirdas Julien Greimas permet de réfuter de nombreuses critiques influentes de la sémiotique formulées par Paul de Man.
Bien entendu, l’horizon sémiotique moderne est impensable sans Charles Sanders Peirce: quiconque parle (en particulier) de biosémiotique dit immédiatement Peirce. Steven Bonta (2023) analyse certaines implications des « catégories ontologiques » universelles de Peirce (Firstness, Secondness, Thirdness) en référence à l’univers physique. Ceux-ci donnent naissance à un modèle phénoménologique triadique et immanentement représentationnel, l’« Univers du Livre ». Parfois, l’héritage intellectuel de Peirce nous aide à regarder le patrimoine scientifique d’autres figures célèbres du passé d’une manière différente – comme le montre, par exemple, l’article de Dan Nesher (2023). Réfléchissant sur l’épistémologie transcendantale de Kant, D. Nesher critique les trois Critiques de Kant, démontrant qu’elles sont incapables de résoudre les problèmes auxquels Kant s’efforçait de trouver une réponse. Au contraire, selon l’auteur, le pragmatisme peircien peut être utilisé pour « sauver », du dogmatisme du réalisme métaphysique et du manque de cohérence typique des phénoménalistes et des holistes, la théorie de la connaissance. D’une manière générale, cette lecture de l’œuvre de Kant à travers le prisme des textes peirciens semble une approche très prometteuse, qui rend Peirce précieux non seulement pour la science contemporaine, mais aussi pour l’étude de l’héritage intellectuel du passé.
Ferdinand de Saussure est souvent considéré comme l’« adversaire » théorique de Peirce en sémiotique – notamment en raison de sa conception du signe. Cependant, comme le montre Zdzisław Wąsik dans son étude (2023), nous pouvons parler non pas d’un, mais de deux modèles distincts de représentations saussuriennes du signe linguistique: le premier (une conception « bilatérale ») est largement connu de son Cours de linguistique générale (Saussure 1916), tandis que le second (une conception « unilatérale ») pourrait être déduit de la compréhension saussurienne de la parole, « où une idée s’établit dans un son et un son devient le signe d’une idée » (Wąsik 2023: 513).
L’héritage de Juri Lotman aide également à résoudre de nombreux problèmes académiques d’aujourd’hui. En particulier, Remo Gramigna (2023) fait référence au célèbre article de Lotman « Sur la sémiosphère », où Lotman identifie les principes de symétrie, d’asymétrie et d’énantiomorphisme comme des aspects importants du mécanisme sémiotique de la sémiosphère. R. Gramigna montre la pertinence d’appliquer les théories lotmaniennes pour approcher les phénomènes spéculaires, entre autres. De même, dans l’article de Randall Lewis Johnson (2023: 638), deux « concepts symboliques » lotmaniens – « la vaste capacité sémantique des symboles simples, et leur double nature en tant qu’entités invariables/variables » – sont utilisés pour discuter du symbole de la Pologne Combative (Znak Polski Walczącej), créé en 1942 par l’État clandestin polonais comme outil de propagande. Publié dans le même numéro spécial de Sign Systems Studies sur « La religion dans la sémiosphère », l’article de Thomas-Andreas Põder (2023) examine la possibilité d’appliquer les catégories lotmaniennes de l’explosion sémiotique et de l’imprévisibilité à la fois aux descriptions et aux auto-descriptions de la religion dans la culture. Dans le même numéro, Laura Gherlone (2023) réfléchit à la « critique décoloniale » sur la base de l’exploration culturologique de Lotman concernant le concept de ternarité; tandis qu’Ivo Iv. Velinov (2023) applique les méthodes sémiotiques lotmaniennes à l’étude d’un lieu spécifique – un important monastère religieux bulgare, ce qui lui permet de réfléchir sur la tradition métahistorique bulgare. Une autre chercheuse qui a participé au même numéro, Jenny Ponzo (2023), reformule certaines catégories sémiotiques forgées par Lotman à propos de deux modèles du saint et de l’intellectuel moderne dans la culture contemporaine.
La recherche sur l’héritage des « classiques » du passé peut aller de pair avec l’historiographie des institutions scientifiques auxquelles ils étaient associés. Cette tendance est clairement mise en évidence dans l’article de Stefan Kirschner (2023), qui examine « le sort institutionnel de la théorie de l’umwelt de Jakob von Uexküll à l’Université de Hambourg ». Comme le montre l’étude, l’Institut de recherche Umwelt de l’Université de Hambourg, fondé en 1928, dépendait en grande partie de facteurs externes et personnels, tout en étant en même temps une institution unique du point de vue de la recherche universitaire.
Quelquefois, parmi les noms bien connus discutés dans les recherches publiées l’année dernière, des noms apparaissent qui sont aujourd’hui associés non pas à la sémiotique, mais plutôt à d’autres disciplines – cependant, il s’avère que le travail de ces chercheurs pourrait également avoir d’importantes implications pour la sémiotique. Par exemple, le nom de Karl Bühler est connu à l’heure actuelle principalement des historiens de la psychologie et des sciences du langage; cependant, comme le montrent James McElvenny et Clemens Knobloch (2023), son manuscrit inédit « Pocketbook on Practical Semantics » mérite l’attention: il témoigne des tentatives de Bühler de transformer sa Sprachtheorie (bien connue aujourd’hui) en une contribution à la « sémiotique appliquée ». Cette tentative de recherche était directement liée aux événements de la vie de Bühler: son émigration d’Europe vers l’Amérique et ses tentatives d’y trouver une « niche intellectuelle ».
Enfin, il ne faut pas penser que les « grands noms » ne soient liés qu’au passé de la sémiotique: ils existent aussi dans le présent, comme on peut le voir dans l’article de Kalevi Kull et Ekaterina Velmezova (2023) traitant des œuvres du sémioticien contemporain bien connu Paul Cobley, président de l’Association internationale d’études sémiotiques de 2014 à 2024. L’article contient, entre autres, la bibliographie de P. Cobley ainsi qu’un entretien où il partage ses opinions sur la sémiotique contemporaine, son évolution et ses problèmes non résolus, sa propre « histoire » en sémiotique et sa vision de sa propre contribution au domaine.
6 Sur la « métasémiotique » et la sémiotique théorique
Le contenu des articles réunis dans cette catégorie était également très varié.
Pour commencer, il est évident que la terminologie est importante dans la sémiotique théorique – c’est pourquoi, en particulier, Martin Oja (2023) s’attarde spécifiquement dans son article sur l’importance de délimiter les termes mode et modalité, qui sont fréquemment employés de manière interchangeable dans les études culturelles multimodales.
L’importance de discuter des modèles théoriques, de la modélisation et des cadres théoriques ne peut pas non plus être surestimée. Un cadre cognitivo-sémiotique original pour l’analyse de la polysémiose est proposé dans l’article de Jordan Zlatev, Simon Devylder, Rebecca Defina, Kalina Moskaluk et Linea Brink Andersen (2023), qui ont étudié plus d’une vingtaine d’enregistrements vidéo de performances de dessin de sable sur Paama, Vauatu, et une vingtaine d’« histoires de sable » de l’Australien Pitjantjatjara. Au centre de l’étude, nous trouvons la thèse selon laquelle la communication humaine est par défaut polysémiotique, supposant la combinaison de plusieurs systèmes sémiotiques (la langue, les gestes et la représentation [depiction] étant considérés comme les plus importants). Mohammad Ali Mahmoodi et Fatemeh Savab (2023) proposent un modèle d’« échelle sémiotique », permettant de dépeindre comme dynamiques les significations de la structure profonde d’un narratif. Prisca Augustyn (2023) propose une vision du modèle Gestaltkreis de Viktor von Weizsäcker comme une réinterprétation du Funktionskreis de Jakob von Uexküll, qui semble particulièrement important pour les études biosémiotiques contemporaines.
D’une manière plus générale, L’udmila Lacková (2023) s’oppose à la polarisation de la discipline sémiotique, où il existe une vision « traditionnelle » selon laquelle le modèle du signe de Peirce est incompatible avec la sémiologie structurale. Selon la chercheuse (qui, à cet égard, a étudié, en particulier, les travaux de Charles Sanders Peirce, Louis Hjelmslev et Lucien Tesnière), au contraire, la linguistique structurale n’est pas nécessairement dyadique, tandis que la doctrine peircienne du signe pourrait être considérée comme « parfaitement structurale ». Dans le même ordre d’idées, Martin Švantner (2023) réfléchit à la relation entre l’humain et le non-humain à l’aide de deux discours parallèles: la perspective de la « sémiotique générale » et la perspective remontant à la théorie logiciste du signe de Peirce et à sa métaphysique pragmatiste. Bien qu’apparemment incompatibles, ces deux perspectives sont en fait largement complémentaires, en particulier pour les réflexions sur le « structural human » et le « semiotic animal ». Priscila Borges et Juliana Rocha Franco (2023) discutent des implications pragmatiques de l’ordonnancement des dix trichotomies dans la sémiotique des derniers travaux de Peirce. L’ordre de ces trichotomies est discuté concernant le mode d’être des objets immédiats et dynamiques ou, plus précisément, la relation entre le signe et « ses » objets. Un modèle théorique proposé dans l’article de Kalevi Kull (2023) vise à décrire un être vivant non seulement à travers sa subjectivité, mais aussi à travers sa capacité à créer de la signification. En élaborant ce modèle, K. Kull s’est fixé pour objectif de combiner en un « ensemble plus cohérent » plusieurs réalisations théoriques récentes en sémiotique en général et en biosémiotique en particulier, traitant de l’arbitraire, du « semiotic fitting », de l’umwelt et du choix, ainsi que de la théorie étendue de l’évolution. Son collègue Alec Kozicki (2023) fonde ses constructions théoriques sur les travaux de K. Kull lui-même, en essayant plus particulièrement de montrer comment modéliser des environnements virtuels immersifs à l’aide du modèle écosémiotique de Kull pour quatre degrés de la nature. L’article de Matthew L. Kalkman (2023) entreprend de combler le fossé entre science et religion à l’aide de la sémiotique: en essayant de résoudre ce problème, le chercheur réfléchit aux catégories de « théosémiose ».
Dans cette section, nous pouvons également mentionner quelques travaux de bilan et de compte rendu. Han Xiao et Lei Li (2023) offrent une vue d’ensemble holistique de la sémiotique sociale (considérée à juste titre comme l’un des principaux domaines de recherche contemporains en sémiotique), de 2001 à 2020. Leur analyse s’appuie sur les données présentées dans la base de données Web of Science de la période correspondante et s’intéresse en particulier aux tendances éditoriales et aux travaux des chercheurs « les plus productifs ». Plusieurs thèmes particulièrement novateurs et contemporains présents dans la sémiotique sociale des vingt dernières années sont distingués dans cette étude. Bent Sørensen, Torkild Thellefsen et Amalia Nurma Dewi (2023) étudient les revues sémiotiques dans le monde en proposant une nouvelle liste à partir de 2023: en 2023, il y avait soixante-six « revues sémiotiques actives » dans le monde, leur nombre ayant augmenté de plus de dix depuis 2012 (Kull et Maran 2013). Enfin, les articles de Remo Gramigna et Mari-Liis Madisson (2023a, 2023b), présentant la sémiotique de 2022, telle qu’elle s’est reflétée dans les pages des revues Sign Systems Studies et Semiotica, peuvent également être considérés comme métasémiotiques quant à leur nature.
7 Remarques conclusives
Notre revue des travaux publiés même durant une période relativement courte (un an seulement) nous permet de parler de tendances notables, voire de traditions qui émergent ou se sont déjà développées autour des revues scientifiques. Par exemple, comme mentionné ci-dessus, la plupart des articles sur la biosémiotique ont été publiés dans la revue Sign Systems Studies. Ce périodique académique est publié à l’Université de Tartu, où la tradition de recherche en biosémiotique est restée très forte pendant des décennies et se développe encore très activement.
Si un lecteur moins préparé regarde ce qui a été publié dans nos deux revues sémiotiques en 2023, il pourrait avoir l’impression que certains articles ne sont pas nécessairement orientés vers la sémiotique – en effet, certains d’entre eux peuvent même ne contenir aucune référence directe à des termes ou des catégories sémiotiques dans leurs résumés ou leurs mots-clés. Cependant, la richesse de la sémiotique en tant qu’outil interdisciplinaire et même en tant que langage permet de voir sa pertinence dans un éventail extrêmement diversifié de sujets, ne serait-ce que de manière implicite. C’est encore un autre sens dans lequel la sémiotique continue d’étonner.
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