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« Référence » et « référent », un essai de mise au point

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Published/Copyright: September 23, 2025
Semiotica
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Résumé

Pour traiter de la relation entre le langage et la réalité, les deux notions de référence et de référent sont souvent utilisées avec une ambiguïté qui fait rarement l’objet d’une réflexion critique. La présente étude propose une distinction entre la référence sémantique, la référence extra-verbale et la référence discursive, en vue de mieux dissiper quelques confusions courantes dans cette question. Tout message verbal a un sens a priori autonome vis-à-vis de la réalité extra-verbale, mais tout son référent possible ne peut être déterminé qu’à partir de ce sens. Comme la réalité verbale et la réalité extra-verbale restent a priori indépendantes l’une de l’autre, la détermination du sens d’un message n’égale pas celle de son référent, et la relation exacte entre ces deux exige un examen au cas par cas.

1 Introduction

Dans les discussions sur le rapport entre le langage et la réalité, les notions de référence et de référent sont souvent utilisées, mais avec une ambiguïté conceptuelle qui fait rarement l’objet d’une réflexion critique. Afin de compenser cette carence théorique, la présente étude propose une mise au point sémiotique de ces deux phénomènes en communication verbale, inscrite dans la perspective de recherche générale synthétisée par Eco (1972, 1976, 1985, 1988) mais sans s’identifier avec aucun courant particulier de sémiotique.

2 Rétrospection historique

Suivant le Lexique des notions linguistiques: « La référence est généralement définie comme la relation qui unit une expression linguistique en emploi dans un énoncé avec “l’objet du monde” qui est désigné par cette expression. On appelle référent cet “objet du monde” » (Neveu 2017 [2000]: 120). D’après le Dictionnaire d’analyse du discours : « La référence désigne une propriété du signe linguistique ou d’une expression de renvoyer à une réalité. Le référent est la réalité qui est pointée par la référence » (Charaudeau et Maingueneau 2002: 487–488). Mais aucun de ces deux termes ne figure dans le Cours de linguistique générale de Saussure, pour qui « le signe linguistique unit, non une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique » (1931 [1916]: 98). La conception saussurienne du signe verbal se base sur une implication de son signifié par son signifiant (Saussure 1931 [1916]: 99, 157), qui le constitue comme tel sans égard à son rapport possible avec la réalité extra-verbale.

Selon toute apparence, l’usage des termes référence et référent ne s’est répandu en sémiotique qu’avec Ogden et Richards depuis 1923, quoique Peirce (W1: 286–289) ait déjà utilisé reference en 1865 pour parler de la relation entre un symbole et son objet.[1] Dans le schéma triangulaire qu’ils ont proposé pour décrire le symbolisme du langage, Ogden et Richards (1936 [1923]: 9–16) ont nommé referent l’objet que représente un symbole utilisé par quelqu’un, et reference la pensée dirigée, organisée, enregistrée et communiquée par ce symbole. En outre, ils n’ont pas manqué de signaler que « between the symbol and the referent there is no relevant relation other than the indirect one, which consists in its being used by someone to stand for a referent » (1936 [1923]: 11). Mais la distinction entre symbol et referent n’est pas exempt de toute ambiguïté, car l’objet représenté par un symbole peut être également un autre symbole, comme le cas de l’endophore (Neveu 2017 [2000]: 52–54).

Cette opposition entre reference et referent peut être rapprochée, dans une certaine mesure, de celle entre Sinn et Bedeutung établie par Frege (1892 dans Frege 1952), aussi présentée par Ogden et Richards dans l’appendice de leur ouvrage (1936 [1923]: 273–274), selon un résumé par Russell dans Principles of Mathematics. « The distinction between meaning (Sinn) and indication (Bedeutung) is roughly … equivalent to my distinction between a concept as such and what the concept denotes … We must distinguish, he [Frege] says, the meaning, in which is contained the way of being given, from what is indicated (from the Bedeutung) » (Russell 2010 [1903]: 510). À part cette traduction meaning versus indication de l’opposition Sinn versus Bedeutung, Russell (1905: 483) l’a encore retraduite par meaning versus denotation, tandis que Black (dans Frege 1952) l’a traduite par sense versus reference, choix terminologique qui ne concorde pas avec la distinction reference versus referent proposée par Ogden et Richards. D’ailleurs, pour traduire en français Sinn versus Bedeutung, Ricœur (1967: 809) a choisi sens versus référence, Imbert (dans Frege 1971) sens versus dénotation et Ducrot (Ducrot et Todorov 1972: 319) sens versus référent.

Au lieu de referent, Jakobson a choisi context pour nommer ce à quoi un message verbal réfère lors de sa communication.

… The ADDRESSER sends a MESSAGE to the ADDRESSEE. To be operative the message requires a CONTEXT referred to (the “referent” in another, somewhat ambiguous, nomenclature), graspable by the addressee, and either verbal or capable of being verbalized; a CODE fully, or at least partially, common to the addresser and addressee (or in other words, to the encoder and decoder of the message); and, finally, a CONTACT, a physical channel and psychological connection between the addresser and the addressee, enabling both of them to enter and stay in communication. (Jakobson 1964 [1960]: 353)

Mais context n’est pas moins ambigu et exige sans doute une précision. Il faut rappeler que, dans la tradition philologique qui se perpétue sous diverses formes depuis plus de deux mille ans, le terme contexte signifie de prime abord l’entourage verbal (et le plus souvent textuel) d’un élément verbal utilisé, comme le témoigne, à titre d’exemple, le deuxième canon de l’interprétation textuelle établi par Schleiermacher dans son abrégé de l’herméneutique écrit en 1819 : « le sens de chaque mot doit être déterminé à partir de son insertion dans son contexte » (1987: 134). Et en second lieu, ce terme signifie aussi par extension la situation où un processus de la communication verbale est réalisé. Le contexte entendu par Jakobson semble cumuler ces deux sens, vu qu’il est « either verbal or capable of being verbalized [autrement dit non-verbal et donc situationnel] » (1964 [1960]: 353). Cette ambiguïté conceptuelle – ce à quoi réfère un message verbal peut être indifféremment verbal ou extra-verbal – reste enracinée dans la théorie des fonctions du langage développée par Jakobson, d’autant plus qu’il a dénommé referential function du message « [the] set (Einstellung) toward the referent, [the] orientation toward the context » (1964 [1960]: 353), fonction considérée en général comme la plus courante et la plus importante.

Suivant Benveniste (1966), le référent est « l’objet particulier auquel le mot correspond dans le concret de la circonstance ou de l’usage », de même que « la “référence” de la phrase est l’état des choses qui la provoque, la situation de discours ou de fait à laquelle elle se rapporte » (1974: 226–227). Selon Ducrot, la fonction référentielle du langage le rapporte à la réalité extra-linguistique, et « le ou les objets désignés par une expression forment son référent » (Ducrot et Todorov 1972: 317), la chose dont on parle et « qui existe en dehors de la parole » (Ducrot et Schaeffer 1995: 302). Pour Ricœur, le référent d’un discours est ce sur quoi son locuteur parle (1986: 140), et la référence d’un discours est son pouvoir de « s’appliquer à une réalité extralinguistique au sujet de laquelle il dit ce qu’il dit » (1972: 96). Milner a distingué, à propos de la séquence nominale, sa référence actuelle – « le segment de réalité qui lui est associé », de sa référence virtuelle – « l’ensemble de conditions [la] caractérisant [comme] unité lexicale » : « Une unité lexicale ne peut avoir de référence actuelle que si elle est employée ; hors emploi, elle ne peut évidemment comporter que les conditions d’une éventuelle référence actuelle, c’est-à-dire sa référence virtuelle » (Milner 1976: 63–64).

Dans le Dictionnaire de linguistique (Dubois et al. 1973: 414–415), qui assimile la référence du langage à sa fonction référentielle, le référent est défini comme « ce à quoi renvoie un signe linguistique dans la réalité extra-linguistique telle qu’elle est découpée par l’expérience d’un groupe humain », alors que « l’existence d’un rapport entre le signe et la réalité extra-linguistique ne doit pas être confondue avec l’existence même du référent », à titre d’exemple, « le signe hippogriffe a un référent, sans que l’existence des hippogriffes soit pour autant postulée ». Or, en quoi consisterait donc un référent qui n’existe pas ? C’est ce qui reste à expliquer pour une telle conception du référent, et il nous semble aussi indispensable d’expliquer comment un signe verbal peut faire référence à ce qui n’existe pas. Pour répondre à cette question, on peut sans doute recourir à la distinction établie par Morris (1938: 5) entre le designatum d’un signe, « the kind of object which the sign applies to », et son denotatum, « the object of reference […which] actually exists » : « while every sign has a designatum, not every sign has a denotatum. A designatum is not a thing, but a kind of object or class of objects – and a class may have many members, or one member, or no members ». Dans une certaine mesure, le sens d’un signe verbal pourrait être assimilé à son designatum, et son référent à son denotatum. Mais le dictionnaire cité plus haut égale sans aucune explication référent et designatum (Dubois et al. 1973: 415), ce qui aggrave encore l’ambiguïté conceptuelle de sa définition du premier.

Dans Lexique sémiotique (Rey-Debove 1979: 122), le référent est défini comme « ce à quoi le signe réfère dans le discours », et la référence « relation en discours entre un signe et son denotatum ou son designatum ». Or, subsumer sous la seule notion de référent le denotatum – « objet singulier du monde réel auquel renvoie un signe » (Rey-Debove 1979: 43), et le designatum – « ce à quoi le signe réfère dans l’esprit de l’émetteur ou du récepteur et selon le code » (Rey-Debove 1979: 46), cela revient à embrouiller la distinction établie par Morris, et à conduire enfin à la même ambiguïté du référent que celle chez Jakobson (cf. supra). Selon Greimas et Courtés (1979: 311) : « on entend par référent les objets du monde “ réel ”, que désignent les mots des langues naturelles. Le terme d’objet s’étant montré notoirement insuffisant, le référent a été appelé à recouvrir aussi les qualités, les actions, les événements réels ; par ailleurs, comme le monde “réel” semble encore trop étroit, le référent se doit d’englober aussi le monde “imaginaire” ». Mais cette conception élargie du référent l’a rendu en effet plus que jamais ambigu, car elle amalgame sans aucune justification le « réel » et l’« imaginaire » qu’elle n’a pas définis non plus.

3 Proposition théorique

Pour mieux expliciter la question de la référence du langage, il faut d’abord préciser le plan de l’analyse où elle se pose. Si le signe verbal est conçu par Saussure en dehors de son rapport avec la réalité extra-verbale, cette conception fondatrice du signe au plan de la langue en tant que système de signification [2] n’empêche point de l’envisager ensuite au plan de la parole en tant qu’instrument de communication [3] : « un signe n’est pas pourvu de sens parce qu’il désigne un référent, mais il peut désigner un référent parce qu’il est pourvu d’un sens » (Rastier 2009 [1987]: 21). C’est bien au plan de la parole, où le langage en emploi se concrétise en messages verbaux, que se pose la question de sa référence, comme Linsky (1967: 116) l’a signalé en d’autres termes : « it is the users of language who refer and make references and not, except in a derivative sense, the expressions which they use in so doing ».

Initialement utilisé en théorie de l’information, le terme message a été introduit en linguistique par Jakobson dans les années cinquante pour remplacer la parole saussurienne,[4] mais ce dernier n’en a pas formulé une définition explicite en anglais ou en français : « le terme “ message ” est ambigu : parle-t-on de sa forme ou de son contenu ? » (Ruwet 1989: 13) À ce propos, nous tenons à préciser que, comme tout signe linguistique unit un signifiant à un signifié, tout message composé de signes linguistiques – syntagme, phrase, passage, texte – possédera également deux aspects corrélatifs – la forme et le sens. Mais avant d’être compris comme sens intelligible, un message est d’abord perçu comme forme sensible, et ce qui articule ses deux aspects inséparables, c’est précisément le code par référence auquel il a été encodé.

Emprunté aussi par Jakobson (1971) à la théorie de l’information, le terme code a reçu un sens plus compréhensif en communication verbale. Loin d’être seulement un inventaire d’unités distinctives, une langue en tant que code fonctionne plus exactement comme :

(a) le système des unités signifiantes et de leurs règles de combinaison (b) le système des systèmes sémantiques et des règles de combinaisons sémantiques des diverses unités (caractérisées par leurs composantes sémantiques et rendues mutuellement compatibles ou incompatibles) ; (c) le système de leurs couplages possibles et les règles de transformation d’un terme à l’autre ; (d) un répertoire de règles circonstancielles comportant divers contextes et diverses circonstances de communication qui correspondent aux diverses interprétations possibles. (Eco 1972: 110)

Dans la mesure où une langue-code implique déjà parmi ses règles de signification des instructions pragmatiques sur les « sélections contextuelles et circonstancielles[5] » pour comprendre ses messages, le modèle théorique de « dictionnaire » n’est plus suffisant pour expliciter sa constitution. Ainsi, Eco (1976, 1985, 1988) a proposé de le remplacer par celui d’« encyclopédie », « patrimoine social[6] » de connaissances que cette langue-code est à même de véhiculer. En tant que postulat sémiotique et hypothèse régulatrice, le code verbal conçu comme « encyclopédie » dépasse toute sa concrétisation en message, et chacun de ses usagers ne peut maîtriser effectivement qu’une portion assez restreinte de sa totalité incommensurable, sous forme de compétence encyclopédique personnelle (Eco 1988: 110–113).

Par sa nature sémiotique, tout message verbal perçu comme forme doit être renvoyé à son code pour véhiculer son sens, qu’il soit univoque, équivoque, plurivoque ou indéterminable : ce renvoi du message au code ne préjuge nullement de la pluralité possible de son sens verbal, laquelle est basée justement sur l’organisation sémantique du code en système de sèmes. Par sens verbal d’un message, nous entendons ce qu’il peut signifier par référence à son code et indépendamment de toute situation extra-verbale de son décodage, qui est donc toujours plus ou moins traduisible par d’autres signes du même code.[7] En effet, c’est précisément cette relation de renvoi du message au code, quoique le plus souvent inaperçue par les usagers de leur langue maternelle auxquels elle semble toute naturelle, qui constitue la première référence du langage. Nous proposons de la désigner par référence sémantique. Loin d’affirmer inexactement que « les langues naturelles ont … ce pouvoir de construire l’univers auquel elles se réfèrent » (Ducrot et Todorov 1972: 317), nous disons que c’est bien par référence à son code qu’un message verbal est en mesure de construire un univers sémantique qui n’existe nulle part ailleurs qu’en lui-même.

Afin de déterminer le sens verbal d’un message, il faut l’interpréter : par interprétation, nous entendons l’actualisation sémantique d’un message par référence à un code,[8] qu’elle soit univoque, équivoque ou plurivoque. Ce terme a donc chez nous un sens plus général que celui chez Todorov,[9] qui l’attache spécifiquement au « champ des sens indirects » du « symbolisme linguistique » (1978: 11). Mais d’autre part, nous l’utilisons de façon stricte comme synonyme de décodage, à l’exclusion notamment de l’« appropriation (Aneignung) » ou l’« application (Anwendung) » du sens verbal à la situation présente de l’interprète (Ricœur 1986: 116), attestée dans la tradition herméneutique selon laquelle « l’interprétation d’un texte s’achève dans l’interprétation de soi d’un sujet » (Ricœur 1986: 152).

Basé sur sa référence sémantique, un message verbal déjà compris comme sens peut être utilisé pour référer à un état de choses extra-verbal, qu’il vaut mieux désigner par référent extra-verbal. Du point de vue sémiotique, ce n’est pas son existence considérée comme réelle ou imaginaire, mais son mode d’existence extra-verbal, qui le distingue sans équivoque du message verbal avec lequel on lui fait référence. Et peut être utilisé pour référer fait entendre qu’a priori, le référent extra-verbal n’est pas nécessaire à la communication verbale : si la composition d’un message a souvent pour objectif de référer à une réalité extra-verbale, elle peut aussi être faite pour une expérience purement verbale. De façon corrélative, le renvoi d’un message verbal à son référent extra-verbal peut être désigné par référence extra-verbale.

De plus, un message verbal (en tout ou en partie) peut être utilisé pour en référer à un autre (en tout ou en partie) – phénomène de transtextualité (Genette 1982: 7–17) qui existe tout aussi à l’oral, et qu’une partie d’un message verbal peut être utilisée pour référer à une autre partie de lui-même – phénomène d’endophore (Neveu 2017 [2000]: 52–54). Dans ces deux cas, l’état de choses auquel un message verbal (en tout ou en partie) réfère est également verbal. Nous proposons de le désigner par référent discursif, et cette relation de renvoi par référence discursive. De toute l’évidence, le référent discursif n’est pas non plus nécessaire à la communication verbale.

Qu’il soit extra-verbal ou discursif, un référent comme défini plus haut a toujours une identité indépendante du message verbal (de sa partie) avec lequel (laquelle) on lui fait référence, en termes plus précis, il n’est pas construit par le message verbal ou sa partie en question, ce qui justifie notre choix de subsumer sous ce même concept de référent deux états de choses qui ne partagent pourtant pas le même mode d’existence. Par ailleurs, la référence sémantique – le renvoi d’un message verbal à son code – et la référence discursive – le renvoi d’un message verbal (en tout ou en partie) à un autre (en tout ou en partie), ou d’une partie d’un message verbal à une autre partie de lui-même – peuvent à leur tour être subsumées sous le même concept de référence intra-verbale, du fait qu’elles restent toutes deux en deçà du verbal, par opposition à la référence extra-verbale – le renvoi d’un message verbal à son référent extra-verbal.

En résumé, tout message verbal a forcément un sens[10] mais n’a pas forcément un référent ; et si la référence sémantique d’un message est a priori indépendante de toute référence extra-verbale ou discursive, la référence extra-verbale ou discursive d’un message reste en revanche dépendante de sa référence sémantique. D’ailleurs, dans le cas d’un message autonymique comme La phrase que vous êtes en train de lire comporte treize mots français, il n’existe pas de référent comme nous venons de le définir, mais seulement un sens verbal qui fait référence au message lui-même dans son ensemble.

4 Confrontation critique

Avec notre proposition théorique, le symbolisme du langage décrit par Ogden et Richards (cf. supra) peut être reformulé de manière plus exacte : un signe verbal, pourvu de sens par référence au code dont il fait partie intégrante, peut être utilisé par quelqu’un pour représenter un référent extra-verbal ou discursif.

Établie par Frege à propos du syntagme nominal et de la phrase déclarative, la distinction entre Sinn (‘the mode of presentation [by a sign]’) et Bedeutung (‘that to which the sign refers’ [Frege 1952: 57]) peut être assimilée à celle formulée en termes plus précis entre le sens verbal et le référent extra-verbal, qui se confirme également au niveau trans-phrastique du message verbal. Selon Frege, à la place de leur « customary reference [Bedeutung]», les mots cités entre guillemets ont plutôt une « indirect reference [Bedeutung]», qui coïncide avec leur « customary sense [Sinn] » par opposition à leur « indirect sense [Sinn] » (1952: 58–59), mais il n’a pas expliqué en quoi consiste cette opposition. Nous tenons à préciser que les mots cités entre guillemets sont utilisés de façon autonymique pour se référer à la fois comme forme verbale et comme sens verbal, et qu’ils sont aussi susceptibles d’avoir leur référent extra-verbal ou discursif.

La distinction entre Sinn et Bedeutung a été contestée par Russell sur ce qu’il appelle « proper names[11] » et « denoting phrases ». Pour Russell (2010 [1903]: 510), « only such proper names as are derived from concepts by means of the can be said to have meaning [Sinn] … such words as John merely indicate without meaning ». Or, si le nom propre John est généralement utilisé pour indiquer un homme qui l’a pour prénom, c’est qu’il est codé par la langue anglaise comme ayant pour usage normal de prénommer un mâle humain. Dans la mesure où ses autres usages seront idiosyncrasiques par rapport à l’anglais normal, le prénom John a effectivement un sens verbal. D’une façon générale, le sens verbal d’un nom propre est plus ou moins déterminable comme paraphrases en d’autres mots de la même langue.

Quant aux « denoting phrases », Russell (1905) n’en a pas donné de définition précise, mais les exemples qu’il utilise sont tous des syntagmes nominaux ou des pronoms indéfinis. Suivant Russell :

… if we allow that denoting phrases, in general, have the two sides of meaning and denotation [Sinn vs. Bedeutung], the cases where there seems to be no denotation cause difficulties both on the assumption that there really is a denotation and on the assumption that there really is none. (Russell 1905: 484)

… we cannot succeed in both preserving the connexion of meaning and denotation [Sinn vs. Bedeutung] and preventing them from being one and the same … the meaning cannot be got at except by means of denoting phrases. … (1905: 486)

Mais dans la mesure où les « denoting phrases » sont d’abord des expressions en anglais intelligibles pour les anglophones compétents, ils ont toujours un sens verbal en dehors de toute référence extra-verbale. Le fait que l’expression the present King of France n’a pas de référent extra-verbal ne nous empêche nullement de comprendre son sens verbal comme « l’actuel roi de France », mais la faute à Russell est de l’avoir prise pour « denoting phrase » au sens qu’il a entendu[12] – « the meaning of an expression is not the set of things or the single thing it may correctly be used to refer to » (Strawson 1950: 328).

Avec notre précision conceptuelle sur la référence du langage, le schéma de la communication verbale proposé par Jakobson (1964 [1960]: 353) peut être renouvelé comme dessous, afin de mieux représenter les rapports entre ses facteurs constitutifs (Figure 1)

Figure 1: 
Schéma de la communication verbale.
Figure 1:

Schéma de la communication verbale.

Conformément à notre précision terminologique, nous appelons référent (extra-verbal ou discursif) ce que Jakobson a nommé context, terme qu’il vaut sans doute mieux préciser avec une distinction entre contexte verbal (oral ou écrit) et contexte situationnel (situation de discours). En même temps, nous tenons à signaler que le renvoi (optionnel) d’un message verbal à son référent (possible) n’est pas immédiat, mais toujours à travers le code par référence auquel il a été encodé, ce que symbolise la branche verticale de notre schéma.

Si un message peut être utilisé pour diverses fonctions, selon que le référent, le destinateur, le destinataire, le contact, le code ou le message même est visé par le message (Jakobson 1964 [1960]: 353–357), c’est qu’il véhicule toujours quelque sens : « Avant toute chose, le langage signifie, tel est son caractère primordial, sa vocation originelle qui transcende et explique toutes les fonctions qu’il assure dans le milieu humain. » (Benveniste 1974: 217) Toute fonction linguistique qu’un message peut effectuer – référentielle, expressive, conative, phatique, métalinguistique ou poétique – reste basée sur sa référence sémantique : « il faut savoir ce que signifient les mots avant de comprendre à quoi ils servent » (Ducrot et Todorov 1972: 423). Ainsi, l’équivoque fonction référentielle peut être désambiguïsée par la référence extra-verbale et la référence discursive – toutes deux la distinguent nettement de la référence sémantique qui n’est pas une fonction mais plutôt un aspect constitutif du langage.

Ce qui illustre par excellence ce schéma de la communication verbale, avec la plupart de ses facteurs enracinés dans la même situation de discours[13] où se produit l’acte d’énonciation, c’est bien le dialogue ordinaire, forme la plus courante de la communication orale. D’après Ricœur :

… Dans l’échange de la parole, les locuteurs sont présents l’un à l’autre, mais aussi la situation, l’ambiance, le milieu circonstanciel du discours. C’est par rapport à ce milieu circonstanciel que le discours est pleinement signifiant ; le renvoi à la réalité est finalement renvoi à cette réalité, qui peut être montrée « autour » des locuteurs … à la limite, cette référence réelle tend à se confondre avec une désignation ostensive où la parole joint le geste de montrer, de faire voir … (Ricœur 1986: 140–141)

Or, si le référent extra-verbal d’un dialogue n’est déterminable qu’à partir de la situation de discours commune à ses interlocuteurs, il n’en est pas pour autant toujours montrable hic et nunc, car on parle souvent de choses absentes de la situation où l’on en parle, comme ce que l’on a entendu dire, mais sans toujours souci de leur détermination extra-verbale. En réalité, l’affirmation par Ricœur – « ce à quoi le dialogue réfère à titre ultime est la situation commune aux interlocuteurs » (1986: 188) – ne peut pas être confirmée. « Si donc la fonction référentielle est une relation claire, l’identification du référent [extra-verbal] demeure problématique » (Cassin s.d.), et sa vérification le reste davantage, ce qui ont fait couler beaucoup d’encre chez des philosophes comme Strawson (1950, 1971), Linsky (1967), Searle (1969, 1981 [1979]) et Kripke (2001 [1972], 2011, 2013 [1973]).

Quand il s’agit de la communication écrite, une particularité décisive par rapport au dialogue ne peut pas être négligée – l’auteur comme encodeur du message et le lecteur comme son décodeur ne sont jamais co-présents : du point de vue sémiotique, un auteur stricto sensu ne l’est qu’en écrivant, et toute lecture présuppose une écriture antérieure qui l’a rendue possible. En conséquence, au cours d’une communication écrite, il n’y a pas de situation de discours réellement commune au destinateur et au destinataire qui puisse,[14] comme lors d’un dialogue ordinaire, désambiguïser la compréhension du message en aidant à déterminer le choix du code et le référent (si besoin est). Schématisé à notre manière, le processus intégral de la communication écrite peut être représenté comme Figure 2.

Figure 2: 
Schéma de la communication écrite.
Figure 2:

Schéma de la communication écrite.

Pour qu’une communication écrite qui reste par nature trans-situationnelle soit réussie, le lecteur se voit obligé de restituer tout ce dont il a besoin pour comprendre le message à partir du message même qu’est le texte. Si jamais il faut déterminer son référent extra-verbal, la difficulté sera généralement encore plus grande que dans une communication orale, et la détermination préalablement nécessaire de son sens verbal n’y est pas pour autant suffisante.

Dans la mesure où des textes en quantité sont lus comme documents de recherche sur la réalité extra-verbale par les chercheurs en sciences humaines, la référence du langage s’avère une question fondamentale sur le plan épistémologique. Comme la réalité verbale et la réalité extra-verbale sont a priori indépendantes l’une de l’autre, la détermination du sens verbal d’un texte n’égale pas celle de son référent extra-verbal, et le rapport exact entre son sens verbal et toute réalité extra-verbale exige un examen au cas par cas. Deux principes méthodologiques pour l’étude des textes sont déductibles de cette mise au point sur la référence du langage : 1) l’intention de l’auteur ne peut point constituer un critère valide pour interpréter le sens verbal de son texte, 2) le sens verbal d’un texte fictionnel ne peut point constituer une preuve de la réalité extra-verbale.

Le sens verbal d’un texte, c’est ce qu’il signifie en vertu de son organisation syntaxique[15] mise en œuvre par son auteur et du code utilisé par ce dernier. Quant aux intentions d’un auteur vis-à-vis de son texte, elles sont plutôt multiples et imbriquées – le sens voulu à exprimer dans son texte, son attitude (sincère, hypocrite, ironique, ludique…) à l’égard de ce sens, les motivations de son écriture et de sa publication, etc. – toutes ces intentions sont liées dans divers degrés avec le sens verbal de son texte, duquel elles restent pourtant toujours extérieures. Certes, l’auteur en écrivant a sans aucun doute plus ou moins l’intention d’exprimer quelque sens (sinon on ne comprendrait pas pourquoi il a pris la peine d’élaborer un message verbal), mais l’acte d’écrire consiste précisément à réaliser cette intention à travers de signes graphiques objectivés, qui seuls restent comme véhicule pour rendre ce vouloir-dire effectivement communicable. En pratique, ce n’est pas l’intention présumée d’un auteur qui permet d’interpréter le sens de son texte, mais bien ce dernier qui permet d’inférer ses intentions possibles. Or, l’inférence d’intentions auctoriales possibles constitue déjà une utilisation du texte qui dépasse son interprétation, et la vérification de cette inférence reste encore une autre question. Ainsi, prendre l’intention de l’auteur pour le sens de son texte, c’est confondre inconsidérément une réalité extra-verbale avec une réalité verbale.

Toutefois, la confusion entre ces deux modes de réalité, pour être généralement contestée, n’en est pas moins souvent pratiquée quand des textes fictionnels sont utilisés en tant que documents de recherche. Certes, la fiction verbale reste difficile à définir, mais notre distinction entre la référence sémantique et la référence extra-verbale est utile pour la décrire d’une façon plus précise qu’avec la « fonction référentielle » du langage. Dans notre perspective, la fiction verbale se caractérise surtout par l’abolition de la référence extra-verbale d’un message qui, du fait de sa nature sémiotique, garde toujours une référence sémantique (qu’elle soit univoque, équivoque, plurivoque ou indéterminable) : un texte fictionnel peut bien ne correspondre à aucune réalité extra-verbale, sans pour autant perdre sa réalité sémantique qui reste contrôlable dans le texte. Par abolition, nous entendons un choix de la part de l’encodeur qui libère la production mais règle aussi la réception de son message : si un texte fictionnel n’a pas à enregistrer une réalité extra-verbale préexistante, il n’est pas non plus en mesure d’en témoigner comme pièce à conviction. De cette sorte, tout texte fictionnel propose par sa propre composition un contrat de lecture qui, malgré les attitudes de ses lecteurs, invalide a priori toute son utilisation comme enregistrement de la réalité extra-verbale, et se manifeste le plus souvent à travers des indications génériques sous forme de paratexte.[16]

5 Récapitulation

Par référence à son code, tout message verbal est doté d’un sens qui reste a priori autonome vis-à-vis de la réalité extra-verbale, malgré son ancrage situationnel dans cette dernière. En revanche, toute référence extra-verbale ou discursive d’un message verbal le portant vers un référent autre que lui-même ne peut être déterminée qu’à partir de son sens verbal. Avec cet essai de mise au point que constitue la présente étude, nous espérons avoir contribué à dissiper de façon systématique quelques confusions courantes sur la référence du langage.


Corresponding author: Qichao Wang, School of Humanities, Shanghai Jiao Tong University, Shanghai, China, E-mail:

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Received: 2023-08-23
Accepted: 2025-07-22
Published Online: 2025-09-23

© 2025 the author(s), published by De Gruyter, Berlin/Boston

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Downloaded on 8.12.2025 from https://www.degruyterbrill.com/document/doi/10.1515/sem-2023-0133/html
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